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ODJ : DÉCLARATION LIMINAIRE DE LA CONFÉRENCE DE PRESSE DE MILITANTS PAYSANS

mercredi 31 janvier 2018


Mesdames et Messieurs les journalistes, soyez les bienvenues à notre conférence de presse !

Aux noms des délégations paysannes venues des sections ODJ des provinces de la Léraba, de la Comoé, du Kénédougou, du Tuy, du Houet, du Poni, du Ioba, de la Bougouriba, du Noumbiel, des Balés, des Banwa, du Nayala, du Sourou, du Mouhoun, et de la Kossi nous vous remercions pour votre présence !
Cette conférence de presse vise à porter à la connaissance de l’opinion publique nationale et internationale des préoccupations des paysans des quinze (15) provinces ci-dessus citées relatives à la campagne agricole et cotonnière 2017-2018. En effet, selon les statistiques du Gouvernement burkinabé, communiquées lors d’une conférence de presse animée par le Ministère de l’Agriculture, 17 provinces sont en situation de déficit céréalier, 6 provinces en situation d’équilibre céréalier, et 22 provinces connaissent un excédent céréalier. Qu’en est-il du rendement au niveau du coton ? Le ministère ne pipe mot. La SOFITEX non plus ! Du moins officiellement !

Mesdames et Messieurs les journalistes,

Depuis plusieurs années, les paysans se mobilisent au sein des structures de l’ODJ pour défendre leurs droits de pouvoir vivre dignement de l’agriculture. En témoignent l’organisation d’une marche en 2011 à Bobo-Dioulasso, la mobilisation des paysans de la province du Tuy en avril 2015 autour de leur plate-forme revendicative (PFR), et de multiples manifestions paysannes spontanées ou organisées. Les paysans burkinabè souffrent de la politique agricole nationale, inadaptée à nos réalités socioéconomiques et manquent de vision à long terme de libération du paysan.
Les paysans dans leur grande majorité sont frappés par une insuffisance d’instruction et de qualification, une défaillance des infrastructures, des cadres institutionnels et des encadreurs. Les paysans sont confrontés à une spoliation de leurs terres au profit de bandits de dernière génération appelés agro-businessmen, d’hommes d’affaires et d’entrepreneurs politiques influents de leur localité. Ils font face à un manque criard de terres cultivables, à l’indisponibilité et à la cherté des intrants agricoles. Les paysans sont aussi confrontés au manque réel d’encadrement et à l’inexistence de subventions dans le domaine de l’agriculture. Ils sont laissés à eux-mêmes ; combien de paysans bénéficient d’encadrement dans leurs processus de production ? Le Burkina Faso lui-même manque de conseillers, d’agents, de techniciens, d’ingénieurs agricoles. Les cadres existants en nombre insuffisant ne sont pas employés convenablement, ou ne sont pas du tout employés. Cette situation se justifie par l’absence de volonté politique réelle de développer l’agriculture au profit du monde paysan.
Mesdames et Messieurs les journalistes, voici comment évolue le monde paysan sur tout le territoire national. Le sujet qui nous préoccupe spécifiquement ce matin se situe à trois niveaux :
1. L’annulation des crédits intrants accordés aux paysans par la SOFITEX pour la campagne agricole 2017-2018 à cause de la mauvaise pluviométrie de cette campagne cotonnière.
2. Le dédommagement des paysans producteurs de cotons qui ont reçu des intrants de mauvaise qualité de la part de la SOFITEX tout comme le suivi de l’identification et la sanction de tous les acteurs impliqués dans cette scandaleuse affaire.
3. La suite judiciaire à donner aux rapports de l’ASCE-LC sur l’UNPCB où des milliards sont détournés par des dirigeants dont certains sont toujours dans les instances actuelles de l’UNPCB.

A. A Propos de L’annulation des crédits intrants accordés aux paysans par la sofitex du fait de la mauvaise pluviométrie de cette campagne cotonnière 2017-2018

Les paysans producteurs de coton s’endettent auprès de la SOFITEX en engrais, en insecticides, en herbicides, en semences pour produire le coton. Une fois que ce coton est produit, il est vendu à la SOFITEX à vil prix, car la force de travail du paysan et la main d’œuvre familiale ne sont pas comptabilisées dans la structure du prix d’achat du coton par la SOFITEX qui fait une rétention à la source des crédits accordés par elle à chaque paysan.
Pire, si un paysan n’arrive pas à respecter son engagement, la SOFITEX, à travers le mécanisme de la caution solidaire imposée aux paysans, se fait payer par les autres paysans du SCOOP-S (ex GPC), le groupement dont fait partie le paysan défaillant. La SOFITEX, les Banques, et surtout le Gouvernement n’ont que faire des cas de forces majeures, des déficits de la pluviométrie, etc., alors qu’il est unanimement reconnu que pour cette campagne la pluviométrie a été insuffisante. Laissez-nous vous relater un cas concret. Monsieur Laurent DOMBOUE, ex président de l’Union départementale des producteurs de coton de la Commune de Bekuy dans la province du Tuy, affirme, image à l’appui avoir fait 15 hectares de coton pour cette campagne 2017-2018. Sur 20 tonnes de coton espérés, DOMBOUE n’a récolté que 6 tonnes. Il a contracté un crédit intrant de 2 000 000 francs CFA. Il est dans un GPC de 26 membres qui a l’habitude de produire 140 tonnes de coton chaque année. Mais cette année le GPC n’a produit que 45 tonnes. Dans leur groupement, seuls quatre paysans ne sont pas en situation d’impayé ; ils ont eu à peu près 25 000 francs de bénéfices. L’ensemble du GPC a enregistré des impayés qui s’élèvent à 2 000 000 francs cfa. Ce qui veut dire que les quatre paysans n’auront rien. Les 26 membres du GPC n’auront rien. Les 26 familles comptant au moins 10 personnes chacune n’auront rien. Pire, comme Monsieur Laurent DOMBOUE, tous les paysans payeront obligatoirement leurs crédits intrants. Cette situation catastrophique enregistrée dans la province du Tuy – comme dans les provinces du Mouhoun, des Balé, etc. – est incontestablement liée au déficit pluviométrique et à la mauvaise qualité de l’engrais servi par la SOFITEX.
Tous les paysans des zones cotonnières de l’Ouest du Burkina Faso sont dans la même situation que Monsieur DOMBOUE. Le gouvernement a pris des mesures chiffrées à plus d’une vingtaine de milliards pour pallier les déficits céréaliers. Quelles mesures vont permettre de faire face à la situation de détresse indépendante de la volonté des cotonculteurs ? Nous estimons que le principe de partage de risque s’impose ici : « comme on partage les bénéfices ensemble, on doit donc supporter les pertes ensemble ! ».
Les paysans producteurs de coton ne doivent pas être les seuls à supporter les conséquences catastrophiques de la campagne. Tous les acteurs de la filière doivent supporter les charges.
Dans cette logique, nous paysans de l’Ouest exigeons l’annulation pure et simple des dettes de cette campagne cotonnière de 2017-2018 pour cause de cas de force majeure. Notre revendication se fonde sur le fait que la baisse du rendement de la production cotonnière de cette campagne n’est pas due uniquement à la mauvaise pluviométrie. La mauvaise qualité des intrants en est aussi responsable !

B. A propos du dédommagement des paysans producteurs de coton qui ont reçu des intrants de mauvaise qualité de la part de la SOFITEX, suivi de l’identification et la sanction de tous ceux qui sont impliqués dans cette scandaleuse affaire.

Les paysans des provinces des Balés et du Tuy ont constaté que les intrants qui leur a été donné sont de qualité douteuse. Cela fait plusieurs années que le coton est cultivé dans cette zone, mais c’est la première fois que les paysans dénoncent la mauvaise qualité des intrants. C’est pour cette raison que la SOFITEX est interpellée sur la question. Ainsi, nous avons demandé une audience auprès du service régional de la SOFITEX de Houndé qui couvre les provinces du Tuy et des Balés. Lors d’une rencontre que nous avons eue le 12 octobre 2017 avec le Chef de région qui nous a renvoyé à l’UPPC-Tuy. Avant de rencontrer l’UPPC-TUY le 20 octobre 2017, nous avons pris le soin de discuter d’abord avec l’Union départementale de Houndé. Ce qui fut fait le 18 octobre 2017. Au cours de cette rencontre nous avons reçus trois (3) documents en guise de tentatives de réponses à notre préoccupation sur la qualité douteuse des intrants. Ces documents sont :
1. Rapport d’analyse d’échantillons d’engrais AGRO PRO du 26 mai 2017
2. Note technique sur la formule d’engrais NPK (formule) mise en place au cours de la campagne 2017/2018 dans certaines zones de production de la SOFITEX
3. Rapport de sortie : Mission conjointe SOFITEX, UPSCOOPS-PC/Tuy du 5 au 8 septembre 2017sur la qualité douteuse de l’engrais
Quelles sont nos appréciations par rapport à ces trois documents ?

Rapport d’analyse d’échantillons d’engrais AGRO PRO du 26 mai 2017

Nous avons des réserves vis-à-vis des résultats de ce rapport d’analyse. L’analyse a été commanditée par le fournisseur AGRO PRO, sans l’implication des experts de la SOFITEX, encore moins ceux de l’UNPCB. Donc, la nécessité de faire une contre-expertise s’impose à tout point de vue. Cela est une extrême volonté que nous avons soumise à l’UNBPCB qui n’a pas donné une suite favorable à notre requête. Nous nous demandons comment et pourquoi l’UNPCB fait confiance à la SOFITEX, comme si la confiance devrait exclure le contrôle.

1. Note technique sur la formule d’engrais NPK (formule) mise en place au cours de la campagne 2017/2018 dans certaines zones de production de la SOFITEX donnée à l’Union départementale de Houndé par la région cotonnière

Nous relevons que dans la forme, cette note est suspecte, car personne ne l’a signée. On n’y voit pas non plus de cachet. On peut alors légitimement douter de son authenticité.
Au fond, cette note technique n’est pas un deuxième résultat d’analyse d’échantillons d’engrais AGRO PRO. Par ailleurs s’il en existe, la SOFITEX devait nous la communiquer. Ce qui n’exclue pas la contre-expertise demandée.

2. Rapport de sortie : Mission conjointe SOFITEX, UPSCOOPS-PC/Tuy du 5 au 8 septembre 2017 sur la qualité douteuse de l’engrais

Nous notons que cette mission ne s’est pas inscrite selon ses propres termes « dans un contexte de vérification scientifique de l’engrais » querellé. Alors la question est POURQUOI cette mission laisse délibérément la vérification scientifique ? Voici le gros pêché de la mission. Elle devrait obligatoirement s’inscrire dans cette démarche de « vérification scientifique de l’engrais ». Nous exigeons cela. En terme simple : « les paysans, les militants de l’ODJ exigent une vérification scientifique conjointe de l’engrais, avec l’implication de l’ASCE-LC et du REN-LAC ». Donc, l’identification d’un laboratoire indépendant, avec constitution d’une équipe scientifique pour le suivi composée des représentants de toutes les parties prenantes.
Pour nous, les recommandations de la mission conjointe SOFITEX, UPSCOOP-Tuy n’engagent qu’elle même du moment qu’elle a royalement ignoré « la vérification scientifique de l’engrais ».
Ceci étant les sections ODJ organisatrices de la présenté conférence de presse,
Condamnent :
 Toute fraude sur l’affaire des intrants de qualité douteuse.

Exigent :

 Que toute la lumière soit faite sur cette affaire sur initiative des autorités de la province ;
 Une contre-expertise indépendante et inclusive de l’analyse d’échantillons d’engrais déjà réalisée par BUNASOL sous la commande du fournisseur « AGRO PRO » ;
 De l’UNPCB, qu’elle prenne toutes les mesures nécessaires pour garantir les intérêts des paysans.
Tout en se réservant le droit de continuer la lutte pour que les responsabilités soient situées, les sections recommandent :
 Que les paysans refusent de payer les crédits intrants de cette campagne 2017/2018 en cours jusqu’à ce que les résultats de l’analyse conjointe soient connus et acceptés par tous, sous réserve des demandes de dommages et intérêts que ce préjudice a fait subir aux paysans.
Pour faire aboutir nos préoccupations, les paysans des provinces des Balé et Tuy ont conjointement manifesté le 27 octobre 2017 pour dénoncer la qualité douteuse des intrants, et interpeller les 2 présidents provinciaux des Unions à prendre en charge le problème tout en prenant les 2 Hauts commissaires à témoin par des ampliations. Jusqu’au moment où nous parlons les représentants du Gouvernement n’ont rien entrepris pour élucider cette affaire dont des milliers de paysans se plaignent. Pourquoi ce silence ?
Le 27 novembre 2017, à notre demande nous avons rencontré le Bureau National de l’UNPCB qui a reconnu avec nous que les intrants octroyés par la SOFITEX dans certaines régions ne sont pas de bonne qualité mais, elle n’y pouvait rien car la SOFITEX serait plus forte qu’elle. Le Bureau de l’UNPCB a aussi dit s’en remettre au Président du Faso pour résoudre le problème. Les paysans des deux provinces ont voulu marcher sur la SOFITEX le 22 décembre 2017 pour se faire entendre. C’est ainsi que le Député-maire de Houndé s’est mis dans la danse en demandant au DG de la SOFITEX d’échanger avec les paysans qui revendiquent la réparation du préjudice.
Ainsi, le 19 décembre 2017, à Bobo, dans la zone industrielle et dans un des locaux de la SOFITEX, une délégation des sections ODJ des Balés et du Tuy a eu des échanges avec le DG de la SOFITEX et son staff technique en présence du Député-maire de Houndé.
L’exposé du DG de la SOFITEX sur la question cejour n’a pas pu dissiper nos doutes sur la mauvaise qualité de l’engrais dans cette région cotonnière. En outre l’attitude suspecte de l’UNPCB qui refuse toute contrexpertise de l’engrais renforce davantage notre suspicion, et son double langage, qui est de reconnaitre et de ne pas reconnaitre à la fois la mauvaise qualité de l’engrais, nous rend perplexe. Car devant la SOFITEX, le Bureau de l’UNPCB a nié en bloc les propos tenus vis-à-vis des paysans à la rencontre du 27 novembre 2017.
Ceci étant, nos sections demanderont des audiences auprès de l’ASCE-LC pour lui formuler des requêtes pour une enquête. Une demande d’appui sera adressée au REN-LAC pour toute initiative qui peut permettre de rétablir le statut exact de cet engrais.
Nous prenons, néanmoins acte d’un probable allègement de la dette des paysans par la SOFITEX qui semble mettre toutes les difficultés de cette campagne agricole 2017 sur la pluviométrie. Ce qui est vrai, mais ne saurait être la seule cause de la mauvaise campagne cotonnière 2017-2018. Il y a aussi les effets induits des engrais de mauvaise qualité.
Enfin, la délégation des paysans a informé Monsieur le DG de la SOFITEX que de sérieuses menaces pèsent sur les paysans qui revendiquent de meilleures conditions de vie et de travail en plus de leurs luttes contre les malversations au sein de l’UNPCB et ses démembrements.

C. Nous exigeons en toute diligence une suite judiciaire à donner aux rapports de l’ASCE-LC sur l’UNPCB de 2015 qui montrent que des milliards de francs CFA ont été détournés par des dirigeants de l’Union dont certains sont toujours dans les instances actuelles de l’UNPCB.

Des paysans ayant eu connaissance du rapport de l’ASCE-LC sur l’UNPCB, et le fait que l’UNPCB refuse de prendre en charge leurs revendications ont décidé comme mesure conservatoire de ne pas donner une partie de leurs contributions aux Unions départementales et Provinciales tout comme à l’UNPCB. Mais curieusement sur le terrain certains agents de la SOFITEX intimident ou menacent les paysans qui luttent qu’ils n’auront pas des intrants lors des campagnes à venir. Ces agents soutiennent que cette mesure répressive serait contenue dans une directive de la SOFITEX. Pourtant, lors de la rencontre du 19 décembre 2017 le DG de la SOFITEX a rassuré nos militants paysans qu’il n’en est rien. Alors nous prenons acte de cette assurance à notre endroit et prenons l’opinion publique et le Gouvernement à témoin. Nous protesterons si ces menaces contre nos militants et sympathisants paysans sont mises en exécution. Notre position se justifie parce que le droit de manifester et de se syndiquer est un droit constitutionnel reconnu à tout citoyen burkinabè, y compris les paysans ; la liberté d’association est aussi de cet ordre.
L’agriculture est la locomotive de l’économie des pays en voie de développement en général et du Burkina Faso en particulier. Ainsi, le Burkina Faso ne se développerait pas si les paysans et l’Agriculture sont abandonnés à des improvisations politiques et politiciennes sans avenir. La survie et l’avenir du Burina Faso en dépendent.

Nous vous remercions pour votre aimable attention !

ORGANISATION DEMOCRATIQUE DE
LA JEUNESSE DU BURKINA FASO
— O.D.J. –
BUREAU EXECUTIF NATIONAL
Tél. (+226) 25 36 19 95/70259335
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Ouagadougou, le 30 janvier 2018