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Burkina Faso : l’expérimentation de moustiques OGM inquiète les défenseurs du patrimoine génétique

vendredi 6 avril 2018


La Coalition pour la Protection du patrimoine Génétique Africain (COPAGEN) a réitéré sa position contre l’introduction risquée des OGM dans l’agriculture, l’alimentation et la santé. Lors d’une conférence de presse ce jeudi 5 avril 2018 à Ouagadougou, les membres de la coalition n’ont pas caché leurs inquiétudes face à la volonté du Burkina d’expérimenter l’élevage de moustiques génétiquement modifiés dans le cadre d’un projet de lutte anti-vectorielle contre le paludisme.

On croyait avoir fini avec cette question des OGM après l’échec de la culture du coton BT et le retrait la firme américaine Mosanto du pays. Erreur ! Le Burkina Faso entretiendrait aujourd’hui dans un laboratoire un projet d’expérimentation d’insectes génétiquement modifiés : des moustiques OGM donc. Si on en croit les principaux animateurs de la conférence de presse de ce jeudi 5 avril 2018, membres de la Coalition pour la Protection du patrimoine Génétique Africain (COPAGEN), c’est le projet Target Malaria qui en est l’initiateur avec pour objectif « la mise au point d’une nouvelle technologie de lutte anti-vectorielle contre l’anophèle femelle afin de contribuer à réduire la population de moustiques et du même coup le fardeau du paludisme en Afrique. » Seulement, ce projet laisse planer des inquiétudes aux yeux de la COPAGEN d’autant plus que les moustiques devront être lâchés entre juillet et novembre prochains.

Les Burkinabè comme des cobayes

« Le Burkina Faso a importé d’Italie, depuis le 2 novembre 2016, des œufs de moustiques génétiquement modifiés avec la bénédiction de l’Agence nationale de biosécurité (ANB). » Rapporte Aline Zongo, point focal de la coalition, avant de préciser que « ces œufs ont été confinés depuis le 3 novembre 2016 dans un laboratoire de l’Institut de Recherches en Sciences de la Santé (IRSS), à Bobo-Dioulasso, pour une activité d’élevage en vue d’atteindre 10 000 moustiques mâles stériles génétiquement modifiés. » Sous la conduite du projet Target Malaria en effet, fait-elle savoir, il sera procédé à une expérience d’observation par des scientifiques du même projet, dans l’un des villages de Bana, Pala ou Sourkoudiguin dans la commune de Sya. Inquiète d’éventuelles conséquences négatives de ces essais OGM, la COPAGEN s’est entretenue avec Target Malaria. Elle en est arrivée à la conclusion que les conditions de sécurité aux plan sanitaires, humain, animal et environnemental ne sont pas réunies : « des populations burkinabè sont en passe d’être utilisées comme cobayes dans cette expérimentation. » S’indigne la Coalition dans sa déclaration de presse. Comme preuve de leurs inquiétudes, les membres de la COPAGEN se posent des questions sans réponses. Par exemple, quelles seraient les conséquences si une femelle génétiquement modifiée, malgré toutes les précautions, piquait un malade du paludisme et le transmettait à d’autres sujets au sein de la population ? Quelle serait la nature de la descendance des femelles génétiquement modifiées qui s’accoupleraient avec des mâles non stériles ?

Selon Ibrahim Ouédraogo, membre du conseil d’administration de la COPAGEN, c’est sachant que les produits OGM peuvent comporter des risques que le Burkina Faso est signataire d’un certain nombre de conventions internationales qui préconisent des précautions à prendre. Pour le transport des œufs de moustiques, il explique que l’Agence Nationale de Biosécurité (ANB) a donné son autorisation en se disant que les risques étaient minimes parce que ça été testé en laboratoire. « Mais là où nous attirons votre attention c’est qu’il est clair que dans les modifications génétiques il y aura au moins 0,5% de femelles génétiquement modifiées. Ces femelles peuvent piquer des malades et transmettre le paludisme. A partir de ce moment, personne ne sait ce que ça peut donner comme conséquence. » Relève Ibrahim Ouédraogo.

Il ne faut pas lâcher ces moustiques OGM

Pour la COPAGEN, l’introduction des OGM dans l’agriculture, l’alimentation, la santé humaine et animale comporte aujourd’hui « des risques avérés et potentiels ». Par mesure de prudence, la Coalition lance une invite aux autorités de s’inscrire dans une logique de précaution et encourage la société civile à redoubler d’ardeur dans la lutte pour la défense des droits des communautés. A l’endroit de l’Agence Nationale de Biosécurité, elle demande simplement de « surseoir à l’examen de la demande d’autorisation de lâcher des moustiques mâles stériles dans le cadre du projet Target Malaria, en attendant que des réponses définitives et rassurantes soient apportées à toutes les inquiétudes ».
Au lieu donc d’accélérer de lâcher les 10 000 moustiques, la COPAGEN demande simplement de différer et de faire des recherches plus approfondies. Autrement dit, « face au risque, il faut se donner le temps de démontrer que nous sommes dans une situation de risque zéro et surtout qu’il n’y a pas de budget pour faire face aux dommages. » Insiste Ibrahim Ouédraogo.
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Amidou Kabré

TOUTE INFO, quotidien d’informations en ligne


Encadré : Liste des membres (personnes morales) de la COPAGEN-Burkina

1) DIOBASS/Ecologie
2) FEDERATION NATIONALE DES FEMMES RURALES DU BURKINA
FENAFER-B
3) FEDERATION NATIONALE DES ORGANISATIONS PAYSANNES DU BURKINA
FENOP
4) IINADES Formation /Burkina
5) Syndicat National des Travailleurs de l’agropastoral –
SYNTAP
6) Fédération Nian Zwen
7) THEATRE DE L’ESPOIR
8) UNION Namanegbzanga DES GROUPEMENTS VILLAGEOIS DE TANLILI
UNGVT
9) ASSOCIATION POUR LA PROTECTION DE LA NATURE/ SAHEL
APN/SAHEL
10) CENTRE D’ETUDES ET D’EXPERIMENTATIONS ECONOMIQUES ET SOCIALES DE L’AFRIQUE DE L’OUEST –
CESAO
11) Plateforme d’Actions à la Sécurisation des Ménages pastoraux –
PASMEP