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Burkina Faso : Victoire sur le putsch

lundi 5 octobre 2015


Arrêt momentané du processus de transition, avec le coup d’État de Gilbert Diendiéré et ses complices. Mais, face à la résistance d’un peuple révolté, les auteurs ont fini par renoncer. Retour sur une semaine « folle ».


Par Amidou Kabré
Afrique Asie - Octobre 2015


Nous sommes le 16 septembre 2015 et, comme tous les mercredis, les ministres Burkinabè tiennent leur conseil présidé par le chef de l’État. Dans la matinée, le président du Conseil national de la transition (CNT), Sheriff Sy, ancien journaliste, inaugure la cérémonie d’ouverture du Festival international de la liberté d’expression et de la presse (Filep). Les médias sont mobilisés dans une salle pour suivre les communications quand la nouvelle – une rumeur au départ – circule sur une prise d’otage au conseil des ministres. C’est le départ d’une information qui va faire la une de l’actualité nationale et africaine toute la semaine. La nouvelle se répand comme
une boule de neige. Dans sa première déclaration lue par son service de communication, Sheriff Sy affirme, sans trop de précision, que les institutions
sont menacées. Mais entré dans la clandestinité le jour suivant, il se proclame
président du Faso par intérim et appelle tous les Burkinabè à défendre la République.

Riposte populaire

La folle semaine commence le 17 septembre, lorsqu’à la télévision nationale le monde entier découvre un groupe de militaires annoncer la fameuse formule consacrée aux coups d’État en Afrique : « Le président est démis de ses fonctions. Le gouvernement est dissous. Le Conseil national de la transition [équivalent de l’Assemblée nationale] est dissous. » La prise d’otage des ministres et du président de la République est presque « banale » de la part du Régiment de sécurité résidentielle (RSP), qui en est à la quatrième opération de ce genre. Mais là, on est passé au putsch. Et les armes commencent à crépiter dans la capitale. Les auteurs du coup de force annoncent la création d’un Conseil national pour la démocratie (CND) dirigé par le général de brigade Gilbert Diendiéré, ex-chef d’état-major particulier de l’ex-président déchu Blaise Compaoré, qui fait partie du commando qui a assassiné Thomas Sankara le 15 octobre 1987. Leurs revendications sont des plus farfelues, y compris celle demandant la réintégration de certains pro-Compaoré dans la liste des candidats aux élections qui avaient pourtant accepté le verdict du Conseil constitutionnel les ayant déclarés inéligibles…

En réalité, selon plusieurs analystes et leaders de la société civile au Burkina, c’est la crainte des poursuites judiciaires qui hanterait Diendiéré et l’aurait poussé à perpétrer le putsch. En outre, écrivions-nous dans Afrique Asie de septembre 2015, « Gilbert Diendiéré, avec ses connexions restées intactes avec la famille Compaoré, est un pion pour la reconquête du pouvoir » afin d’éviter de paraître devant les tribunaux. Sur les circonstances du coup de force du 17 septembre, en effet, il n’y a quasiment pas de doutes : Blaise Compaoré, en exil en Côte d’Ivoire, est au courant. En tant que président du haut conseil du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), le poste qu’il occupe depuis le renouvellement des instances de ce parti intervenu après l’insurrection populaire qui l’a chassé du pouvoir en novembre 2014, il a très vraisemblablement encouragé les dirigeants de son parti à soutenir le putsch.

Les Burkinabè connaissent bien Gilbert Diendiéré pour son passé sombre et ses actes répétés d’intimidation contre les civils. Ils n’ont jamais digéré les assassinats de Thomas Sankara et ses camarades (1987), du journaliste Norbert Zongo (1998), et en 2014, du juge Salifou Nébié. Autant de forfaitures criminelles – ce ne sont pas les
seules… – non encore élucidées. Ils n’ont pas non plus oublié les crimes économiques portant sur plusieurs milliards révélés chaque année par l’Autorité
supérieure de contrôle d’État et qui accablent le clan Compaoré, ses ministres et directeurs généraux, mais ne connaissent aucune suite judiciaire sérieuse.

C’est donc en toute conscience que les Burkinabè ont enclenché la riposte
populaire contre le coup d’État du 17 septembre 2015. Ils se sont organisés sur tous les fronts. Comme l’a ironisé le journaliste Boureima Salouka, « même le muezzin de mon quartier était en résistance car il bravait le couvre-feu pour faire l’appel à la prière dès 4 heures le matin à la mosquée ». Et ils ont payé le prix fort : 15 morts et 114 blessés, selon un bilan fait à chaud par la Coordination des associations pour l’assistance et le secours populaire dont le Mouvement burkinabè des droits de l’homme et des peuples (MBDHP) est membre.

Après s’être déclaré président du Faso par intérim, le président du CNT Sheriff Sy, connu pour ses convictions sankaristes, a immédiatement demandé au chef d’état-major général des armées et au chef d’état-major des différentes régions militaires de « prendre immédiatement toutes les dispositions pour que cette forfaiture soit arrêtée ». Ce que l’armée nationale a suivi en ralliant les troupes à Ouagadougou et en donnant un ultimatum au RSP pour qu’il dépose les armes, au risque de subir un assaut qui allait lui être fatal.

C’est aussi Sheriff Sy qui a pris le premier décret de dissolution du RSP, alors que la
Cedeao (l’organisation régionale ouest-africaine), conduite par le président sénégalais
Macky Sall, entamait des négociations rejetées par les populations pour manque de considération du sacrifice consenti. En revanche, il faut saluer la réaction ferme de l’Union africaine condamnant aussitôt le coup de force et qualifiant ses auteurs de « terroristes » ! De sa clandestinité, Shériff a même réussi à créer une radio (la Radio de la résistance) après que les putschistes eurent attaqué plusieurs médias et journalistes qui ont conduit à la fermeture de toutes les radios d’information. Durant la semaine de « folie », il n’a eu de cesse de donner les directives aux populations.

Au sein du gouvernement, le président Michel Kafando, alors détenu, refuse de signer une lettre de démission sous la pression des putschistes. Il leur aurait d’ailleurs déclaré : « je ne signe pas. Si vous voulez, tuez-moi ! », rapportera le ministre de l’Habitat et de l’Urbanisme, René Bagoro, codétenu dans la même chambre où ils partagent un lit sans drap.

Recomposition

Sur le front syndical, le ton monte au maximum, avec le décret d’une grève générale qui est maintenu jusqu’à la dissolution effective du RSP par le conseil des ministres. Une première : même à l’époque des mobilisations contre le régime de Blaise Compaoré, les syndicalistes n’avaient appelé à aucune grève d’envergure contre la modification de la Constitution qui a engendré l’insurrection d’octobre 2014. Cette fois, ils se mobilisent en préconisant la stratégie des barricades dans les grandes artères de Ouagadougou.
La société civile à l’image du Balai citoyen, est sur le terrain de la mobilisation et de la stratégie organisationnelle. Face à la fermeture des radios, notamment, les activistes prennent d’assaut les réseaux sociaux pour relayer la moindre d’information, avec parfois des photos révoltantes de blessés et de personnes tuées.
Quant aux partis politiques, ils mettent à contribution leurs militants.Certes, des leaders comme Zéphirin Diabré et Roch Marc Christian Kaboré, deux candidats en lice pour la présidentielle, restent quasiment silencieux pendant les périodes chaudes. Mais ce n’est pas le cas de Bénéwendé Sankara. Celui-ci avait déjà affirmé avant le putsch que s’il était élu à la présidentielle (qui était normalement prévue le
11 octobre 2015), il allait dissoudre le RSP. Durant la mobilisation contre le coup d’État, il multiplie les appels à la mobilisation et crée une « direction nationale de résistance active » coordonnée par son directeur de campagne.Il est le seul parmi les prétendants au fauteuil présidentiel qui a officiellement annoncé la mise en place d’une
structure spéciale au sein de son parti pour donner la riposte aux putschistes.
Finalement, devant la résistance, le putsch échoue. Michel Kafando revient triomphant au pouvoir le 23 septembre lors d’une cérémonie où Diendiéré, présent, déclare. « Le plus grand tort a été d’avoir fait ce putsch »

. Ajoutant : « Aujourd’hui, quand on parle de démocratie, on ne peut pas se permettre de faire des actions de ce genre. »

Quel sera son sort ? Et celui des partis de l’ex-majorité qui l’ont soutenu dans sa forfaiture ? Ils risquent de sombrer encore plus dans l’impopularité. Or, c’est dans leurs rangs que Roch Kaboré a débauché certains cadres qui sont ses ex-camarades. Zéphirin Diabré, l’une des têtes de proue de l’insurrection d’il y a un an, pourrait aussi connaître quelques déboires. En effet, il s’est souvent montré équilibriste lorsqu’il s’est agi de prendre position (ne serait-ce que par principe) en faveur d’une « inclusion » de certains candidats de l’ex-parti de Blaise Compaoré impliqués dans la tentative de tripatouillage de la Constitution. Et cela alors que le Conseil constitutionnel avait déjà rejeté leurs candidatures.
En revanche, plusieurs observateurs pensent que la cote de popularité de Bénéwendé Sankara pourrait grimper pour la présidentielle. Et les alliances devraient connaître une recomposition, chacun faisant attention aux soupçons populaires de vouloir travailler avec des partisans du coup d’État. Ce jeu des alliances devrait se clarifier dès l’annonce de la nouvelle date des élections couplées (présidentielle et législatives), qui promettent un renouvellement sans précédent de la classe politique burkinabè.