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Hommage aux martyrs : le discours des familles des victimes

lundi 1er juin 2015


A l’occasion de la cérémonie d’hommage aux martyrs organisée le samedi 30 mai 2015 par les autorités de la transition, les familles des victimes ont prononcé un discours dans lequel elles ont déclaré qu’elles acceptaient aller à la réconciliation à deux conditions : il faut « la vérité et la justice » et le pardon sincère. » Nous vous proposons leur discours intégral, lu par leur représentant, Nébon Babou Bamouni.

DISCOURS DES FAMILLES DES MARTYRS

En ce jour historique où le peuple digne et intègre du Burkina Faso, est rassemblé en ces lieux avec ses amis, je prends la parole au nom des familles des vaillantes combattantes et vaillants combattants, fauchées à la fleur de l’âge, pour saluer la mémoire de ces illustres disparus et rappeler le lien ombilical qui nous unit à eux, lien que ni la mort, ni la violence, ni la négation ne peuvent altérer.
Martyrs de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014,
Nous nous inclinons pour vous rendre honneur et hommage. La patrie où la mort, vous avez vaincu car Il y a quelque chose de plus fort que la mort, c’est la présence des disparus dans la mémoire des vivants.

Excellence, Monsieur le Président du Faso,
Distingués Invités,
Mesdames et Messieurs,

Les familles des Martyrs ont vécu l’évènement de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 dans la douleur. Nous avons encore en mémoire les images horribles gravées dans nos mémoires : ces jeunes gens violentées, criblées de balles, gisant dans leur sang, souffrantes dans la chaire et dans l’âme, ils venaient de rendre la vie : ils ont versé leur sang pour la patrie. Nous gardons à jamais dans notre esprit leur sang qui a coulé pour sauver le Burkina Faso d’un « bricolage de la Constitution ». Egalement, ce dernier souffle de vie à l’hôpital : « Maman, tu vois, ma respiration ne descend plus, je suis en train de mourir ; mon Seigneur sauve moi ; priez pour moi, Dieu est grand ». Et j’en passe …
Que de souffrances endurées par les martyrs et leurs familles, que de chocs émotionnels subis, que de parents tourmentés, pleurant sans cesse, que d’orphelins laissés, la douleur est profonde …

Excellence Monsieur le Président de la Transition,
Président du Faso,
Auguste Assemblée,
Mesdames et Messieurs,

Nous, familles, amis et proches des Martyrs qui reposent sous la terre digne et libre du Burkina Faso, avons remarqué en ces personnes, l’amour, la justice, la vérité, la paix, la dignité, l’intégrité, le don de soi, l’abnégation au travail, l’amour de la patrie, l’audace, la liberté d’expression, la persévérance, l’engagement pour le bien-être de tous, le droit, la liberté, le Burkindi, le panafricanisme, l’humanisme.
Illustres disparus,
En ces lieux et en ces moments solennels où la patrie vous exprime sa reconnaissance, nous, vos familles, en votre nom, accueillons cet hommage solennel qui vous est rendu. Recevez l’hommage de la République !! Recevez l’Hommage du peuple Burkinabè et de ses amis, Recevez l’hommage de vos parents, Recevez !!!
C’est contre un système oppresseur, négationniste, destructeur, que vous avez accepté de mourir les mains nues, les poings levés et avec une détermination inébranlable malgré les armes pointées contre vos poitrines. Paraphrasant Edmund Burke, votre aîné martyr Feu Norbert Zongo disait ceci, je le cite « Le mal de ce monde n’est pas la méchanceté des hommes mauvais mais le silence des hommes biens ». Vous avez refusé de vous fondre dans un silence complice et hypocrite lorsque la décision a été prise de modifier l’article 37 de notre Constitution. Contre cet état de fait, vous êtes sortis les 30 et 31 octobre pour dire Non. Non, nous ne voulons pas !! Pour votre Non, vous avez été tués. L’Histoire le retient.
Martyrs des 30 et 31 octobre,
Puisque vous êtes des hommes et des femmes de Paix, d’Amour et de Pardon, nous, vos familles, dans le sens de la réconciliation nationale prônée par les autorités de la transition, marquons notre disponibilité à aller vers la réconciliation mais a deux conditions :
D’abord la Vérité et la Justice ! Nous retenons que les vies de nos proches ont été ôtées dans un contexte où ils ont osé émettre un autre son de cloche au refrain de la modification de l’article 37 de la Constitution burkinabè. Nous réclamons justice. La justice pour apaiser les cœurs, la justice pour donner l’exemple, la justice pour appliquer la loi.
Ensuite, le pardon sincère a l’endroit des familles des personnes décédées. Ce pardon, c’est le pardon peint d’humilité, de repentir et d’introspection modelé dans un cœur pur qui prend sa source dans l’amour authentique et la culture de la bonté. Oui nous serons prêts à pardonner à toutes ces personnes qui ont été responsables de la mort de nos proches à des degrés de responsabilités diverses mais dans la vérité et la transparence des cœurs. La sagesse de chez nous nous enseigne que lorsque quelqu’un te poignarde par l’épée de sa langue, il faut lui rendre le coup par l’éclat de ton sourire.
Excellence Monsieur le Président du Faso,
L’hommage rendu à présent aux personnes qui ont perdu la vie lors de l’insurrection populaire des 30 et 31 Octobre 2014 aura un gout d’inachevé, si, seulement il se résume en une séance publique et collective de lamentations, sans prendre l’engagement ferme de leur rendre justice. Plus qu’une obligation juridique et politique, c’est un devoir moral.

Excellence Monsieur Président du Faso,
Peuple Intègre du Burkina Faso,

La journée d’hommage que vous avez bien voulu consacrer aux morts de l’insurrection populaire des 30 et 31 Octobre 2014 dont cette cérémonie solennelle, est un moment fort de témoignage devant l’histoire. Elle montre combien les autorités de la Transition après la journée d’inhumation en Décembre 2014 accordent de l’attention aux personnes qui ont sacrifié de leur vie pour opérer le changement en vue d’un ordre démocratique nouveau au Burkina Faso.
Aux différentes forces politiques en présence, aux organisations de la société civile, merci du fond du cœur pour vos multiples soutiens.
Au corps Diplomatique, à la communauté Internationale, recevez au nom des familles, toute notre reconnaissance et notre bienséance. Merci pour vos efforts déployés au profit du Burkina Faso pour que vivent la démocratie et le salut du peuple burkinabè. Votre rôle d’amis est encore plus déterminant pour aider le Burkina Faso dans sa marche pour le progrès.
Aux forces de défense et de sécurité, les familles des personnes décédées saluent votre attitude républicaine observée lors de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 en prenant position pour le peuple. Vous avez fait montre d’un comportement digne qui dénote de votre identité de filles et de fils intègres. L’armée burkinabè est un exemple en Afrique et dans le monde. Dignes combattants, Défenseurs intrépides de la nation burkinabè, que le sang versé des martyrs vous protègent dans votre mission et que Dieu vous garde loyal à votre Patrie.
Aux autorités religieuses et coutumières, je ne saurai le dire assez, Dieu le Tout-Puissant vous rendra les grâces pour vos actions multiples et multiformes en faveur de la paix, de l’unité des Burkinabè et la bénédiction du pays.
Aux personnes blessées, que les prières des martyrs fécondent en vous guérison et détermination pour un avenir radieux de tous et du Burkina Faso.
Au personnel médical et paramédical, merci pour votre mobilisation et votre abnégation, car vous avez dans le contexte de l’insurrection populaire apporté secours et assistance pour sauver de nombreuses vies.
A la jeunesse burkinabè, à l’image de vos compagnons tombés, recevez nos hommages. Vous avez été à l’avant-garde, vous avez occupé le poste de combat le plus avancé dans le rang de la lutte, débarrassée de toute peur, vous avez été la force motrice qui a provoqué le changement. Votre mobilisation autour d’un idéal commun, votre engagement sans faille ont fissuré le mur de la malgouvernance pour que rien ne soit plus comme avant. Soyez toujours unis et combattez toujours pour les causes justes et nobles car il vous revient d’écrire et de continuer l’histoire.

Excellence Monsieur le Président du Faso,

Dans cette douloureuse épreuve, les familles des martyrs, outre la justice, ont aussi besoin de soutien moral tel manifesté. Elles souhaitent également que des hommages soient rendus à l’étranger à travers nos ambassades et consulats à la mémoire des personnes en honneur. Egalement, elles souhaitent que les photos des personnes décédées soient affichées à l’Assemblée nationale et qu’elles parlent à la conscience du législateur au moment de voter la loi.

Excellence Monsieur le Président du Faso,
Distingués invités
Mesdames et messieurs,

Cette cérémonie d’hommage doit revêtir une dimension pédagogique dans la perspective de l’édification d’un autre Burkina dont les fondations doivent reposer sur des institutions démocratiques fortes, sur l’éthique et la responsabilité dans la gestion du pouvoir. Les familles des défunts lancent un vibrant appel à tous les Burkinabè à charger leur cœur d’amour, à s’accepter et à s’entraider mutuellement. En effet, nous souhaitons qu’avant, pendant et après les élections d’octobre 2015, qu’il y ait plus d’unité et d’engagement réel pour une transformation positive de notre cher Burkina Faso.

Excellence Monsieur le Président du Faso
Distingués invités
Mesdames et Messieurs,

Vive le peuple burkinabè !
Vive l’Amour entre tous les Burkinabè !
Vive le Changement pour un ordre démocratique nouveau !
Vive celles et ceux qui sont morts pour la Patrie !
Que Dieu bénisse le Burkina Faso !

Je vous remercie !