Accueil > Actualité > Dofini Noé Dakio, juriste à propos de la crise RSP-ZIDA : « Est-ce qu’un (...)

Dofini Noé Dakio, juriste à propos de la crise RSP-ZIDA : « Est-ce qu’un soldat d’élite basé à Kosyam, cesse d’être soldat d’élite s’il élit domicile à Zagtouly ? »

jeudi 9 juillet 2015


Et de trois pour le régiment de sécurité présidentielle (RSP) de s’inviter au débat sur la marche de la transition au Burkina Faso par des revendications purement politiques. C’est connu, depuis le retour du premier ministre Yacouba Isaac ZIDA de son voyage d’Asie, le torchon brule entre lui et son corps d’origine, le RSP. Et comme il fallait s’y attendre, voilà le RSP qui demande à nouveau le retrait pur et simple des militaires du gouvernement de la transition. Une énième intrusion qui nous semble plus révélatrice des intentions réelles du RSP et aussi des mains invisibles (proches et lointaines) qui poussent et poussent encore ce "prétendu corps d’élite" de l’armée à des prises d’otages de conseils des ministres et à troubler la quiétude de plus d’un au Burkina Faso.

Mais cette fois-ci, le RSP et ses instigateurs semblent avoir su faire une bonne campagne de recrutement pour grossir leurs rangs. Un recrutement qui a concerné certaines organisations « fantoches » de la société civile et, vraisemblablement, certains organes de la presse. Et nous en voulons pour preuve la création et l’animation par ces organes de presse de cette folle rumeur faisant état de la démission du premier ministre durant le weekend écoulé. Il nous semble que le journaliste professionnel est celui qui va vérifier l’information avant de la publier. Et donc, si des journalistes qui se disent professionnels et que nous considérons donc comme tel, ont eu le courage d’annoncer une information aussi grave que celle de la démission du premier ministre, il est évident qu’ils l’ont fait en toute connaissance de cause. Or, le fait « têtu » est que le premier ministre n’a pas démissionné. Conclusion :c’est une rumeur purement inventée à dessein. Le journaliste professionnel, pour sa crédibilité et par respect du peuple, devrait gentiment présenter ses excuses au peuple sans coup férir. Bref, revenons au RSP et à son rôle perturbateur de la transition.

La position actuelle du RSP peut être appréhendée sous plusieurs angles. Mais ce qui nous parait fondamental à relever, c’est d’abord sa position dans l’ordonnancement institutionnel du Burkina Faso (I) et ensuite la portée véritable de ses revendications tendant à obtenir le retrait pur et simple des militaires du gouvernement de la transition(II).

I- S’agissant d’abord de l’ordonnancement institutionnel du Burkina Faso, la position actuelle du RSP soulève deux problèmes, l’un avec l’autorité militaire (a) et l’autre avec l’autorité civile (b).

a- Dans tous les pays du monde, l’armée répond d’un seul commandement militaire. C’est un principe élémentaire pour l’unité de l’armée et la stabilité du pays. Au Burkina Faso, ce commandement devrait être assuré par le chef d’état-major général des armées. C’est ce commandement qui est le porte-parole de l’armée. Or, il nous est donné de constater que cette unicité de commandement militaire est foulée au pied au sein de notre armée. Et les faits sont constants. Le RSP porte directement ses revendications sans aucun égard du chef d’état-major général des armées. Il prend en otage le conseil des ministres quand cela lui chante, contraint le premier ministre à des visites forcées chez le Moogho Naaba, tire en l’air à son bon vouloir, effraie des organes de presse dans leur noble travail d’information du peuple. Même "M’ba Michel" est obligé de laisser ses occupations quotidiennes pour s’investir personnellement dans une médiation. Ce qui devrait être considéré comme une bagarre « d’enfants de troupe » prend finalement tout le Burkina Faso en otage. Et par-dessus tout, le RSP veut s’arroger le droit de décider de qui peut être au gouvernement et qui ne peut y être. Tout cela sans que le chef d’état-major général ne puisse dire mot, ou peut-être que celui-ci parle sans que le RSP n’entende raison. En tout état de cause, il est perceptible que le chef d’état-major général des armées n’a aucune autorité sur le RSP, ou plus exactement, le RSP ne se soumet point à l’autorité militaire du chef d’état-major général des armées. Et donc au Burkina Faso, à moins de vouloir se chatouiller soi-même et rire seul, on peut dire que nous avons deux armées, le RSP et les autres. Evidemment, cette situation d’insoumission dangereuse du RSP est d’une extrême gravité et ne présage rien de rassurant pour la stabilité du Pays. Mais le RSP ne fait pas que bruler la politesse à la hiérarchie militaire, il en fait même à l’autorité civile.
b- Une armée dite républicaine doit respecter les institutions de la république. Dans un pays où l’armée ne se soumet pas aux institutions de la république, c’est peu que de dire qu’il s’agit d’un pays dirigé par l’armée, donc un Etat d’exception. En ce XXIe siècle, cela n’est pas acceptable. Et pourtant, c’est ce qui semble se faire au Burkina Faso. On peut aimer le premier ministre Yacouba Isaac ZIDA ou le haïr, cela relève du subjectivisme, mais il demeure qu’il est le premier ministre du Burkina Faso, donc une institution de la république. Peu importe qu’il soit issu du RSP ou d’autre corps. C’est une institution.Et là encore, le RSP se signale par son mépris de cette institution. On se souvient de cette prise en otage de la personne du premier ministre le 4 février 2015 suivi de la contestation des nominations à la tête du RSP. Ce qui, en son temps, a contraint à la rétractation de ses nominations. Mais cela n’a pas empêché le RSP de réclamer néanmoins la démission du premier ministre. Une revendication qui s’analyse difficilement du point de vue militaire. Yacouba Isaac ZIDA est-il si indispensable au RSP au point que ses frères d’arme le réclament ? Qui sait, c’est peut-être parce que Yacouba Isaac ZIDA n’était plus au RSP que les terroristes ont réussi à enlever le Roumain au nord du Burkina Faso. Evidemment, cet argument n’est pas soutenable, puisque tout le monde a bonne gouverne qu’il n’existe pas d’homme indispensable. Et même les « hommes forts » l’ont appris à leurs dépens. Mais alors, Yacouba Isaac ZIDA est-il plus utile au peuple burkinabè dans son treillis qu’à la primature ? Nous n’en savons rien ! Une chose est sûre. Ce n’est pas au RSP de trancher, lui qui n’a aucun pouvoir de parler au nom du peuple.Mais qu’est-ce qui peut bien justifier que le RSP veuille que Yacouba Isaac ZIDA quitte son poste ? Si ces revendications ne peuvent se justifier militairement, le fait constant est qu’elles ont une nature politique, hautement politique. Et de là se pose cette autre question. De quel droit l’armée peut-elle se vêtir pour imposer ses positions aux institutions de la république et à l’ensemble du peuple ? Dans un Etat dit de droit, évidemment, il n’en existe aucun. Sauf qu’en l’espèce, il s’agit du tout puissant RSP dans un Burkina Faso en transition. Et même que maintenant, ce n’est plus la seule démission de Yacouba Issac ZIDA qui est demandée, mais aussi celle de tous les militaires du gouvernement. Ce qui est navrant dans cette histoire et qui fait qu’on ne peut intelligemment discuter ces revendications (qui sont peut-être acceptables quant au fond mais en tout cas irrégulières quant à la forme) est que le RSP ne se fait aucune peine de donner les raisons de ses revendications. Et c’est là qu’on peut légitiment penser qu’il existe une main, sinon des mains invisibles à qui ce rôle perturbateur du RSP pourrait profiter. Sinon, que gagne le RSP à troubler autant la quiétude du gouvernement et du peuple ? Rien. En tout cas, si on n’y prend garde, les conséquences de toutes ces agitations peuvent être cauchemardesques pour le peuple insurgé.

II- S’agissant donc des conséquences d’une hypothétique démission du premier ministre, il faut reconnaître que quelque part, on ment au peuple. Ceux qui, à ces quelques trois mois des élections, réclament la démission du premier ministre omettent sciemment d’exposer aussi au même peuple les éventuelles conséquences d’une telle démission. Ces conséquences seraient graves, si graves que, même si on considère Yacouba Isaac ZIDA comme le pire des premiers ministres possibles, il serait préférable de le maintenir avec son équipe jusqu’aux élections couplées du 11 Octobre prochain. Et donc, entre deux maux, il suffit d’être moyennement intelligent pour choisir le moindre mal. L’intérêt sacrifié doit être de moindre importance que l’intérêt sauvegardé. Selon toute vraisemblance, il nous semble que ce n’est pas une question de bon choix ici, mais plutôt une volonté inavouable de provoquer un désordre institutionnel (a) afin de servir probablement une basse besogne d’un régime déchu mais revanchard (b). Il n’y a aucun doute que le régime déchu conserve encore une bonne capacité de nuisance, mais il faut savoir lire les signes du temps. Sinon, à force de vouloir défier Dieu par orgueil, on risque de se faire trainer dans la boue, la vraie.

a- Selon l’organisation traditionnelle des institutions au Burkina Faso, c’est le premier ministre, en sa qualité de chef de gouvernement qui compose son gouvernement. Et donc il n’existe pas de gouvernement sans premier ministre. Autrement dit, demander la démission du premier ministre correspond exactement à demander la démission de tous les ministres. Donc si Yacouba Isaac ZIDA doit démissionner, il emporte avec lui tout le gouvernement actuel (LOADA, Filiga, BAGORO, DEMBELE… tout le monde). Du coup "M’ba Michel" se retrouve seul, obligé de choisir un nouveau premier ministre, lequel va composer son gouvernement avec toutes les tractations et contestations qui vont avec. Il faudra ensuite que ces ministres soient installés, qu’ils prennent connaissances des instances en cours, qu’ils se les approprient, adoptent leurs propres méthodes de travail, et qu’ils préparent sereinement les élections couplées et le tout dans ce laps de temps de trois mois. Soyons sérieux un peu ! Et ce n’est pas tout. Cette présentation est celle d’un Burkina Faso « normal » qui fonctionne suivant sa seule constitution. Or nous sommes présentement dans un Burkina Faso en transition après une insurrection sanglante, et qui, pour se relever, a dû adopter une charte de la transition, une sorte de binôme de la constitution qu’il faut prendre en compte. Cette charte de la transition repose sur quatre piliers que sont la classe politique, les organisations de la société civile, les autorités coutumières et religieuses, et les forces de défense et de sécurité. L’armée est donc bel et bien partie prenante à cette charte qui organise son domaine d’intervention. Il faut que le peuple comprenne que si le RSP obtient le retrait des militaires du gouvernement, le nouveau gouvernement, s’il est composé uniquement de civils, serait contraire à la charte. Du reste on ne comprendrait pas pourquoi, le RSP ne demanderait pas aussi le retrait des militaires du Conseil National de la Transition (CNT). En fin de compte, on remettrait toutes les institutions à plat. On entre dans une procédure de modification de la charte avec les risques de troubles à n’en pas finir. En un mot, on mettrait le Burkina Faso dans un désordre institutionnel. C’est ça la réalité qu’on ne dit pas au peuple.

b- Cette configuration serait incontestablement catastrophique pour le peuple insurgé, puisque cela reviendrait à dire qu’il a mené une insurrection inutile, en tout cas stérile. Mais elle constituerait un scénario idéal pour le régime déchu à plusieurs égards. Bien sûre, la prudence intellectuelle nous oblige à ne pas faire un lien systématique entre RSP et régime déchu. Soit. Mais si on essaie de faire une petite analyse, il est aussi difficile d’écarter systématiquement cette hypothèse. Pourquoi ? Parce que comme dit plus haut, le RSP en tant que corps semble ne rien gagner en retour, même s’il parvenait à débarquer le gouvernement, si ce n’est d’avoir dans ses rangs un militaire de plus, en la personne de Yacouba Isaac ZIDA. Encore que, bien malin qui pourrait dire que Yacouba Isaac ZIDA accepterait de repartir à son poste. Qui est fou !
Schématiquement, on a donc un RSP qui n’a absolument rien à gagner ni à perdre (en tout cas officiellement) que le gouvernement actuel démissionne ou pas. Par contre, le régime déchu ne peut pas rêver d’un meilleur scénario pour revenir aux affaires. Car sans militaires, il n’y a pas de charte, et sans charte, il n’y a pas de transition, et sans transition il n’y a pas d’institutions, et sans institutions, il n’y a rien, absolument rien. Pas d’élections et donc fini le débat sur la loi « prétendue d’exclusion », pas de justice, et donc les pilleurs du peuple, aujourd’hui exilés, pourront revenir allègrement narguer tout le monde. Il n’y aura plus d’un côté le peuple insurgé et de l’autre le régime déchu. Pas d’assassins, pas de voleurs. Pas de différence entre Roch, Zeph, Assimi, Gilbert, François, Etienne, YODA, Bénéwendé, Chérif, Newton, SOMA et j’en passe. En un mot, tout le monde devient comme tout le monde. Et donc voilà les anciens dignitaires qui reviendront se confondre à tout le monde et discuter d’égal à égal avec les autres composantes de la société, comme s’il n’y avait jamais eu d’insurrection populaire.

Au vu donc de tout ce susdit, le RSP, si tant est qu’il se dit respectueux des valeurs républicaines, devrait savoir sursoir à ses revendications le temps qu’on arrive aux élections. Et ensuite, Yacouba Isaac ZIDA redeviendra militaire en entier, sans encombre. Dans seulement trois mois.

Le débat sur la dissolution du RSP ne peut pas être, à notre sens, un motif suffisant pour demander la démission du gouvernement. Mais sur cette question du bien-fondé de la dissolution, nous nous gardons de faire un commentaire particulier, les questions militaires étant difficiles à cerner pour le profane. Tout de même, on ne peut s’empêcher de se poser un certain nombre de questions. Est-ce qu’un soldat d’élite basé à Kosyam, cesse d’être soldat d’élite s’il élit domicile à Zagtouly ? Est-ce qu’un spécialiste en renseignement, ou en terrorisme perd ses qualifications et sa technicité s’il se déplace, ou s’il intègre un autre milieu ?
En tout cas vigilance au peuple, et c’est pourquoi il importe de toujours garder sa tenue « mode place de la révolution ! »

Dofini Noé DAKIO
Juriste
dakiodofini@yahoo.fr