Accueil > Analyses > Burkina : les prémices d’un remaniement ministériel du pouvoir Roch Kaboré

Burkina : les prémices d’un remaniement ministériel du pouvoir Roch Kaboré

vendredi 5 janvier 2018


Jusque-là timide dans la dynamique de changement voulu par les insurgés d’octobre 2014, le pouvoir Kaboré a déjà mordu deux ans de règne avec une certaine stabilité gouvernementale bien au-delà de la moyenne. Mais sous le choc et la désorientation politique créés par la disparition mortelle de Salifou Diallo, mais aussi par l’impopularité du controversé ministre d’Etat Simon Compaoré, le président Roch Marc Christian Kaboré affiche aujourd’hui les signes d’un essoufflement avant terme et nourrit une folle envie de reprendre la main avec à la clé un changement d’équipe.

Ce n’est vraiment pas un secret. Le pouvoir Kaboré a du mal à atteindre la vitesse de croisière attendue par son électorat qui l’avait haut placer avec une victoire écrasante dès le premier tour de la présidentielle du 29 novembre 2015. « Roch la solution », ce slogan qui avait résumé tous les espoirs et peut-être toutes les illusions (c’est selon) est à l’épreuve de la réalité sur le terrain car en attendant le bout du tunnel, la grogne sociale mijote depuis toujours. En témoignent les soubresauts à répétition dans presque tous les secteurs de la vie publique nationale. Pour ne rien arranger, le Chef de l’Etat a longtemps joué sur un de ses caractères apparemment adoré des Burkinabè : « le silence, tant qu’on n’a pas le dos au mur ». C’est ce même caractère du silence machiavélique qui aurait d’ailleurs fait la longévité du président déchu Blaise Compaoré qui a totalisé près de trois décennies en poste avant d’être balayé par une insurrection historique.
Mais après deux bonnes années de règne, le silence auquel semble être accroché le chef de l’Etat pour se maintenir dans un immobilisme gouvernemental devient de plus en plus dangereux et risqué parce que les temps ont changé. Le même peuple tout aussi patient est toujours capable de révolte. De toute évidence, personne mieux que le président Roch Kaboré ne devrait en avoir conscience. La peur d’un tel revers fatal au régime fait croire aujourd’hui qu’à défaut de répondre aux cris de cœur de différents groupes sociaux, le pouvoir va revoir à l’urgence son équipe. Passer à un remaniement ministériel ; il semble bien que c’est l’hypothèse qui va prospérer pour peu que le président prenne en considération au moins trois raisons parmi tant d’autres.

Primo : depuis son installation, l’exécutif burkinabè n’a pas réussi à montrer un leadership digne d’un Etat gouverné par des responsables qui maîtrisent une certaine vision de leur politique économique et social.

Deuxio : le pouvoir est hanté par la peur de se retrouver face à une probable montée de la colère populaire et c’est en cela qu’il faut comprendre le discours souvent mal orienté contre le phénomène dit de « l’incivisme ». L’échec manifeste de ce discours reste éprouvé par une prise de conscience des masses qui semblent définitivement décidées à se comporter à la proportion du traitement insultant et parfois révoltant que les autorités leur réservent en matière de droits fondamentaux et de devoirs civiques et moraux.

Tertio : et c’est là où ça coince vers un remaniement ministériel (très politique). Le régime actuel veut mettre les bouchés doubles pour arracher un deuxième mandat avec sans détour le président Roch Marc Chritian Kaboré au fauteuil en 2020. Il le veut réellement non pas pour la seule boulimie du pouvoir mais pour éviter à tous vents un retournement de situation qui lui ferait subir le courroux des Compaoré qui continuent de digérer amèrement l’humiliation politique et le déshonneur moral de la chute de leur champion Blaise Compaoré. Sur ce point, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) qui multiplie les stratégies pour se repositionner n’a aucun sentiment et n’exclu pas une revanche en douceur.

La véritable question à laquelle se voit donc confronté le pouvoir Kaboré c’est comment sortir d’un contexte sociopolitique à multiple équations où le colmatage et les effets d’annonce pour maîtriser le trône sont vus par le citoyen comme une énième tentative de le berner. En pensant à la présidentielle de 2020 dont le tournant décisif sera bientôt enclenché, le changement d’équipe est d’actualité avec toutefois de nouveaux affronts à gérer au sein du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) qui tient les règnes d’un pouvoir à trois têtes dont l’une est tombée. Salif Diallo, décédé, qui influençait le régime a eu le temps de placer ses Hommes au sein de l’appareil d’Etat que le président ne contrôle pas. L’imbroglio sera donc la gestion d’opérer un remaniement pour remercier une partie de ces Hommes sans créer une furie des grands jours au sein du parti. Le cas Simon Compaoré (l’autre tête), c’est une autre équation. Celui des alliés stratégiques comme Me Bénéwendé Sankara qui a pu se tailler quelques postes pour ses Hommes reste également un couteau à double tranchant.

Amidou Kabré

TOUTE INFO, quotidien d’informations en ligne