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CRISE SYRIENNE : Le sort de la Syrie entre les mains de Poutine, Erdoğan et Rohani

mercredi 21 novembre 2018


Ces trois dernières années, plusieurs centaines de milliers, voire des millions de Syriens ont quitté les régions d’Idleb, d’Alep et de Çobanbey en raison d’éventuelles opérations militaires pour trouver refuge sur le territoire turc. Et depuis lors le gouvernement turc suit de près la situation des déplacés de guerre à la porte du mur frontalier syrien. En plus des contingents militaires régulièrement déployés sur le terrain de combat, la Turquie y apporte également de l’assistance sociale aux victimes de guerre. Du 21 au 30 octobre 2018 le ministère turc en charge de la jeunesse et du sport a initié un projet de volontariat dans les régions frontalières de la Syrie. Dans ces zones défavorisées la quarantaine de jeunes volontaires pilotant le projet ‘’Damla Projesi’’ – projet de la goutte d’eau en langue turque – ont sillonné notamment les provinces de Kilis, Çobanbey, Gümrük Encipınar Sınır Kapısı, etc. pour apporter soutien et réconfort aux familles des réfugiés.

Vladimir Poutine, Recep Tayyip Erdoğan et Hassan Rohani continuent d’afficher aux yeux du monde leurs divergences politiques concernant le cas de la Syrie. Une chose est certaine : les trois chefs d’Etats se rendent à l’évidence qu’ils constituent individuellement un acteur important dans l’avenir de la Syrie. Réunis le 7 septembre 2018 à Téhéran, les chefs d’Etats rurc, russe et iranien n’ont pas pu trouver la formule adéquate de sortie de crise à Idleb, ville très peuplée située au nord-ouest de la Syrie à 60 km d’Alep.
Le président turc Recep Tayyip Erdoğan, lui, a d’emblée prôné un cessez-le-feu à Idleb, dans le but ‘’d’éviter un bain de sang’’. Mais la réelle motivation de son intervention semble être tout autre car Idleb est une ville très peuplée faisant frontière avec la Turquie et depuis le début de l’offensive, plusieurs millions de réfugiés Syriens ont migré vers la Turquie. Selon les chiffres officiels du Ministère de l’Intérieur de la République de Turquie, on estime à environ 3,9 millions le nombre de réfugiés Syriens sur le sol turc. Alors que de nos jours la Turquie traverse une réelle crise économique depuis un certain temps du fait des relations tendues avec les Etats-Unis d’Amérique.
Bien que s’exprimant très rarement sur les réseaux sociaux, le président Recep Tayyip Erdoğan a, juste après la conférence de Téhéran, écrit sur sa page Twitter que‘’ En tant que pays accueillant plus de 3,5 millions de Syriens, la Turquie continuera d’œuvrer en faveur du rapatriement volontaire et sain des réfugiés et pour une solution durable, ce qui créera un terrain d’entente pour toutes les parties au conflit syrien’’. … https://twitter.com/RT_Erdogan/status/1038172166636888066

Du service humanitaire après les bombardements …

Vendredi 26 octobre 2018, il est 10 heures lorsque le convoi transportant les 40 volontaires Turcs s’immobilise au premier poste de contrôle policier du côté nord de la Syrie. Un agent de la police syrienne s’approche du véhicule pour le contrôle d’identité. On lui tend l’ordre de mission signé par le gouvernement turc. Celui-ci jette un coup d’œil rapide sur la liste des volontaires mais décide tout de même de procéder à la vérification des pièces d’identité. Du coup, une discussion vive en langue turque se déclenche entre le chef de mission et l’agent de police syrien. Après un bref instant le premier embarque et fait signe au chauffeur de rouler. Nous franchissons à présent le mur séparant les territoire turc et syrien. Un constat retient notre attention : aucun drapeau syrien. Juste un panneau avec des écriteaux en arabe témoigne du changement de territoire. Le drapeau turc flotte sur le toit d’un bâtiment gigantesque situé à quelques mètres du mur frontalier. C’est le bâtiment du service social turc en charge des victimes de guerre (AFAD). A l’intérieur, plusieurs tonnes de vivres et de matériels de secours d’urgence avec l’effigie du Haut-Commissariat pour le Réfugiés (HCR) sont stockées. A quelques mètres du bâtiment, une pâtisserie turque. Elle tourne 24 heures 24 et produit en moyenne 250 milles baguettes de pain par jour pour les familles démunies, nous explique le chef du personnel.
La zone est sous le contrôle de l’armée turque. Le commandement est assuré par cinquantenaire aux cheveux grisonnants. ‘’Nous sommes conscients d’être sur un territoire étranger et toutes nos opérations sont menées conformément à la loi en vigueur’’, nous confie-t-il d’un ton ferme sans un mot de plus. Des blindés et des artilleries de toutes sortes sont pointés à chaque mètre carré. Il faut encore parcourir environ une vingtaine de kilomètres avant de voir le drapeau syrien flotté dans les airs. Cette fois-ci nous sommes en plein centre-ville de Çobanbey, la toute dernière région nord-syrienne frontalière avec la Turquie. Là encore, la sécurité est assurée conjointement entre soldats turcs et arabes syriens.

‘’Cela fait environ cinq ans que nous assurons conjointement la sécurité de cette région frontalière avec les soldats turcs’’, affirme un jeune fantassin Syrien de 23 ans, le doigt toujours sur la gâchette de son kalachnikov suspendu en bandoulière. Selon lui, l’âge ne saurait constituer un handicap au métier d’escouade. ‘’Chez nous l’armée c’est comme du volontariat. Quand on se porte volontaire pour la cause personne ne s’intéresse à ton âge. Nous avons ici des amis de 16 et 17 ans qui patrouillent avec nous pour sécuriser les populations. C’est peut-être vous qui voyez ça bizarre sinon c’est normal’’, dit-il avant de se retirer pour jeter un coup d’œil entre le mur d’une école primaire et un magasin de produits cosmétiques. Un soldat turc qui a décidé de garder l’anonymat se déplace immédiatement vers l’espace préalablement surveillé par son congénère Arabe. Nous tentons de lui arracher quelques mots mais ce dernier paraît plutôt réticent. Il est très mobile et n’a visiblement pas le temps pour des causeries. Nous essayons à nouveau de lui faire sortir de son silence en évoquant la nécessité de la présence de l’armée Turque sur les lieux. Il finit par lâcher : ‘’Il y a de cela deux ou trois ans cette zone était infréquentable. Il était inimaginable que vous puissiez vous rendre ici en toute sécurité. La fibre terroriste était présente à tout coin de rue. Mais c’est nous (soldats de l’armée turque) qui l’avions nettoyé. Le mal a été déraciné. Maintenant vous voyez bien que la vie continue paisiblement comme si rien ne s’était produit auparavant’’.
Nous nous introduisons dans l’enceinte d’une école primaire. Même constat : devant chaque porte est posté un soldat Turc ou Arabe pour assurer la sécurité. ‘’Maintenant grâce à la sécurité on peut faire des cours sans crainte. Deux ans en arrière les enlèvements étaient beaucoup fréquents ici’’, indique une enseignante Syrienne, le visage complètement recouvert de voile.
Apres cette brève excursion, le cap est mis sur Gümrük Encipınar Sınır Kapısı, un village situé à une trentaine de kilomètre de Çobanbey. Il s’agit en effet d’un ancien site d’accueil de réfugiés. Avec le temps ce site est transformé en un petit village et le gouvernement turc y a construit des écoles pour les enfants des réfugiés, puis y déploie continuellement d’importantes aides sociales de toute nature. Ce sont au total 21 milles familles ayant fui les villes touchées par la guerre qui ont trouvé refuge dans ce site d’accueil, nous explique Murat Çakmak, chef du Service social Turc en charge de l’immigration. ‘’Nous avons quatre centres sociaux ici de toute nature, que ce soit sanitaire, alimentaire et sept ateliers divers, pour tous nos refugiés. Nous nous chargeons de la scolarisation de leurs enfants et de la prise en charge totale des familles sans exception’’, a- t-il indiqué.

Noufou OUEDRAOGO