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TUERIES A YIRGOU : Intégralité de la déclaration luminaire du Collectif contre l’impunité et la stigmatisation des communautés (CISC)

mercredi 9 janvier 2019


Suite aux tueries qui se sont produites à Yirgou-Foulbé, une organisation constituée en Collectif contre l’impunité et la stigmatisation des communautés (CISC) a donné de la voix le mardi 8 janvier 2019 au Centre de presse Norbert Zongo. Il réclame entre autres l’arrêt immédiat des crimes, l’arrestation sans délai des Kogleweogo, la prise en charge gratuite des survivants et blessées et le désarmement de tous ceux qui détiennent illégalement des armes de guerre. Pour ce faire, elle annonce une marche de protestation le samedi prochain à Ouagadougou et à Dori. Nous vous proposons ci-dessous l’intégralité de sa déclaration face à la presse.

Mesdames et messieurs les journalistes

Je voudrais en cet instant solennel et à la mémoire de toutes les victimes de l’impunité et de crimes injustes qui sont d’abord des burkinabè, des sœurs, des frères, nos parents, nos enfants, vous demander d’observer une minute de silence.

Je vous remercie !

Mesdames et messieurs les journalistes

Il est important d’affirmer avant tout propos que le Collectif contre l’impunité et la Stigmatisation des communautés est un regroupement apolitique et laïc. C’est un cadre de lutte et d’échange entre filles et fils de la nation dans le but de :

 protéger et défendre les droits des communautés à vivre et à s’épanouir en pleine symbiose.

 lutter contre toutes les formes de stigmatisation des communautés et dénoncer l’impunité des crimes qui y sont liés

 Exiger vérité et justice sur les crimes injustes commis sur les communautés

 promouvoir une véritable cohésion tel qu’il ressort de l’ensemble des normes régissant la république.

Mesdames et messieurs les journalistes

Cette conférence de presse se tient dans un contexte sociopolitique marqué par :

 une culture de défiance vis-à-vis de l’autorité de l’Etat

 le développement de l’incivisme et de la justice privée. Les populations ne se référent plus à la justice pour régler les litiges qui les opposent entre elles. Elles préfèrent se rendre justice elles-mêmes. Violence et intolérance gagnent du terrain. Très souvent, Il suffit qu’un membre d’une communauté soit suspecté d’un délit pour que le courroux s’abatte sur toute la communauté. Ainsi, la communauté peul a payé un lourd tribut dans notre pays.

 La perte des valeurs de respects et de considération mutuelle qui caractérisaient si parfaitement les Burkinabè.

 Marqué aussi par la récurrence des conflits présentés comme les conséquences d’une concurrence pour l’exploitation des ressources naturelles. Cette situation étant aggravée par l’avènement du terrorisme.

Aujourd’hui devant la généralisation de ces conflits que d’aucuns continuaient d’appeler pudiquement « conflits agriculteurs-éleveurs » quand il s’agissait des peuls, il est permis de s’interroger à haute voix sur leur caractère « socio-professionnel » quand on connaît les noms des victimes et la localisation des hécatombes. Je citerai pour mémoire les victimes les plus récentes Ziniaré (avril 2015), Pama (janvier 2015) avec 01 décès, Tiebelé (Juillet 2014) avec 04 décès, Diébougou (Novembre 2013) avec 02 décès, Sari (mai 2012) avec près de 100 morts. On pourrait ajouter le drame de Zabré de Décembre 2012 qui occasionné l’existence de la première fosse commune au BF ou furent ensevelis 06 corps de peuls. Le nombre officiel de victimes liés à ces violences de 2004 à 2015 est estimé à plus de 200 morts.

A cela il faut ajouter les conflits mossis bwabas de Solenzo qui depuis 20 ans…. ; et le drame encore récent de Karangasso-vigué

Au regard de ce contexte difficile source d’un malaise profond, plusieurs communautés du Burkina s’interrogent sur le devoir de l’Etat à accorder la même considération et la même protection à l’ensemble de ses citoyens.

Mesdames et messieurs les journalistes

Qu’en est-il de la situation de Yirgou ?

Le 1er janvier 2019, l’assassinat de 6 personnes dont le chef de village par des individus armés non identifiés, dans le village de Yirgou, commune de Barsalgo, province de Sanmatenga au Centre nord, a conduit à des actions de représailles indiscriminées contre des personnes appartenant à la communauté peule, par des éléments du groupe d’autodéfense communément appelés « Koglewéogo » sous le prétexte fallacieux qu’ils seraient des terroristes.. Ces représailles indiscriminées d’une violence inouïe ont consisté en une chasse à l’homme et des exécutions sommaires de plusieurs peuls tués à bout portant par des armes à feu ou carrément égorgés. Même les Peuls qui étaient membres de ces groupes Koglewéogo ont été tués, égorgés par leurs camarades Kogléweogos. N’est-ce pas un nettoyage ou génocide ethnique ?

De nombreux témoignages, récits et publications décrivent une situation d’une horreur insoutenable.

Les chiffres officiels du gouvernement font état de 46 morts. D’autres sources qui nous reviennent estimeraient les morts à près de 100 personnes.

Dans la matinée du 2 janvier 2019, la situation restait encore très confuse. L’intervention des autorités publiques en charge de la sécurité et de l’ordre étant intervenue tard et de façon non déterminée à la hauteur de la menace explique le bilan effroyable de perte en vie humaine.

A la date du 3 janvier, malgré l’annonce d’un déploiement plus important des forces de l’ordre dans la zone de conflit, la situation restait volatile et très préoccupante. Plusieurs survivants, femmes, enfants et personnes âgées restaient introuvables, beaucoup errant dans la brousse, exposés aux intempéries de cette période de l’harmattan, à la faim et à tous dangers imaginables.

A la date du 4 janvier, le gouvernement reconnait un nombre élevé de morts à travers un communiqué donnant 46 morts en s’engageant à mettre en branle la justice et l’action social. Cependant on continuait d’enregistrer de nouveaux morts sur le terrain.

A la date du 5 janvier, il a fallu un déplacement du chef de l’Etat sur les lieux pour ramener un peu le calme et déclencher une timide opération de prise en charge des victimes.

De la date du 6 janvier à aujourd’hui, on continu de retrouver des survivants, des blessés dans la brousse et des corps jetés dans les puits perdus et les trous de sites d’orpaillage. Les mesures de prise en charge des victimes et des déplacés sont insuffisantes.

S’il faut saluer le réveil tardif, des forces de l’ordre et des plus hautes autorités du pays, il faut regretter et déplorer l’absence de mesures déterminées de l’autorité publique pour retrouver, rassurer et sécuriser les survivants.

Mesdames et messieurs les journalistes

Les peuls sont triplement victimes du terrorisme !

De l’ensemble des Burkinabè, les peuls sont ceux qui ont payé jusque-là le plus lourd tribut au terrorisme et à l’extrémisme violent.

Primo : La région du sahel, est la plus sinistrée par le phénomène. Des villages ont cessé d’exister. Des milliers de populations ont été contraintes à l’exil. Les services sociaux de base ; écoles, centre de santé et administrations publiques ont été fermés ou démantelés. Des milliers d’enfants sont privés d’école et d’avenir.

L’économie de la région est complètement sinistrée. Les marchés contraints de fermer ou de se transformer en tremplin de trafics illicites de toute sorte.

La vie sociale dans plusieurs communes du sahel est désormais ouvertement régie par les lois des terroristes transformant les femmes et les jeunes filles en êtres de second rang.

Secundo : Du point de vue des tueries, les peuls sont ceux qui enregistrent le plus de perte en vie humaine. Combien de conseillers municipaux ont été assassinés dans la région du Sahel depuis ? Combien de simples citoyens ont été assassinés dans cette région ?

Tertio : ce sont aussi eux qui sont stigmatisés comme étant des terroristes : « peul égal terroriste » et traités comme tel. Pourtant, il est établi que la radicalisation touche l’ensemble de nos communautés. Autant il y a des Dicko radicalisés, autant il y a des Sawadogo, des Sanogo, des Ouédraogo, des Konaté, des Maiga, des Lankoandé…radicalisés. L’extrémisme violent et le terrorisme ne sont pas circonscrits à une communauté spécifique, ni ethnique, ni religieuse.

Quand la pluie nous bat !

Les tragiques événements de Yirgou montrent que les terroristes ont enregistré une nouvelle victoire sur notre peuple. Le terrorisme nous tuait et endeuillait notre pays. Désormais, il nous pousse à nous entretuer, pour se porter en sauveur de ceux d’entre nous qui se sentiraient abandonnés et mal aimés et ainsi fatalement faire basculer notre pays dans les abimes de la guerre civile. La situation géographique du village de Yirgou, le théâtre du drame, est très propice à l’effet de contagion recherché. Les Burkinabè doivent comprendre donc, que c’est inutile de se battre quand vous êtes déjà battu par la pluie.

A l’évidence, l’heure est très grave !

Mais elle le serait davantage si nous restions assis à ne rien faire. Ces dernières années, force est de constater que la manipulation des identités se banalise et menace gravement cohésion sociale de notre pays. Fermer les yeux sur cette situation tragique que vivent actuellement les communautés peules et autres, c’est pour l’Etat burkinabè se tirer une balle dans le pied.

L’Etat doit s’assumer

Face à l’urgence et la gravité de la situation, le Collectif contre l’impunité et la stigmatisation des communautés, constitués d’organisations de la société civile et d’acteurs engagés en faveur de la cohésion s’est constitué pour que plus jamais un Burkinabè ne soit inquiété du fait de sa spécificité culturelle, géographique, ethnique ou confessionnelle. Le Collectif présente ses sincères condoléances aux familles et à toutes les communautés endeuillées. Nous condamnons l’assassinat barbare du chef de Yirgou et de 5 autres personnes. Nous condamnons l’odieux carnage qui s’en est suivi. Notre organisation lance un vibrant appel à la retenue et au calme à tous les habitants et à tous les acteurs.

Nous lançons un appel pressant à l’Etat, à assumer pleinement ses responsabilités de garant de la sécurité de tous les burkinabè sans aucune distinction.

Il faut veiller à l’arrêt immédiat et sans délai de la perpétuation des crimes de masse afin d’éviter tout embrasement.

Il faut protéger, sécuriser, rassurer et prendre en charge les survivants.

Une action d’envergure doit être immédiatement engagée pour réaffirmer l’obligation du vivre ensemble de tous les Burkinabè.

Les services compétents de la justice doivent se mettre en branle pour rechercher, documenter l’ensemble des preuves et poursuivre sans ménagement des auteurs et des commanditaires des assassinats. Le massacre de Yirgou ne doit pas rester impuni. C’est l’impunité qui est en grande partie responsable du sentiment que la commission des crimes de masse et contre une certaine communauté nationale est normale.

Face à la banalisation de la vie humaine, aux menaces du droit à la vie de tout citoyen Burkinabè ; face à la boucherie humaine de Yirgou, notre organisation appelle le peuple burkinabè sans distinction ethnique et religieuse, les autorités, les forces démocratiques, les structures de droits humains, les OSC, les syndicats, les coutumiers et les religieux à se mobiliser à travers une marche meeting à Ouagadougou et Dori le samedi 12 janvier 2018 pour dénoncer les manœuvres divisionnistes des terroristes et les groupes d’autodéfense Kogleweogo et exiger :

-L’arrêt immédiat des crimes odieux, et l’arrestation immédiate et sans délai des Kogleweogo criminels afin qu’ils soient jugés et sanctionnés à la hauteur de la gravité de leurs crimes ;

 la prise en charge gratuite des survivants et blessées

 Le désarmement de tous ceux qui détiennent illégalement des armes de guerre, les milices Kogleweogos ;

 L’implication de l’armée burkinabè dans le respect des codes républicains et sans discriminations dans leurs actes.

Notre Collectif lance un vibrant appel à la communauté internationale pour son implication afin de protéger les vies humaines.

ENSEMBLES, ENRAYONS LE DÉLITEMENT DE LA COHÉSION SOCIALE !

Le Collectif !