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Dossier Norbert Zongo:un jugement par contumace de François Compaoré « est envisageable » Me Prosper Farama

samedi 12 décembre 2020


Il y a 22 ans, le journaliste d’investigation Norbert Zongo et ses compagnons étaient assassinés à Sapouy.22 ans après, la justice se fait toujours attendre en dépit de la farouche lutte menée par les organisations de la société civile pour élucider les circonstances de ce crime .A l’occasion de la commémoration de ce 22e anniversaire le 13 décembre 2020, la rédaction de TOUTE INFO a rencontré l’avocat de la famille Zongo , Me Prosper Farama. Où en sommes-nous avec ce dossier depuis 1998 ? Le bout tunnel est-il proche ?

TOUTE INFO:Le 13 décembre 2020, les Burkinabè commémorent le 22e anniversaire de l’assassinat du journaliste d’investigation Norbert Zongo et de ses compagnons. Quel est l’état d’avancement actuel du dossier à votre connaissance devant les tribunaux ?

Me Prospère Farama:Le point qu’on peut faire à ce jour de façon succincte, c’est de dire que le dossier est toujours pendant devant le juge d’instruction, mais que contrairement aux années dernières sous le régime de Blaise Compaoré, à ce jour il y’a eu au moins des inculpations. Un certain nombre de personnes qui ont été inculpées c’est-à-dire contre qui il y a des présomptions d’avoir participé à l’assassinat de Norbert Zongo qui seront probablement jugés. Et puis parmi ces personnes, il y a la plus notable c’est monsieur François Compaoré, qui lui comme vous le savez est hors du Burkina Faso, mais un mandat d’arrêt a été lancé contre lui. La procédure est toujours en cours en France. Je pense qu’essentiellement, c’est de son extradition que va dépendre le développement plus ou moins rapide du dossier.

TOUTE INFO : Cela fait près de 10 mois que le premier ministre français a signé le décret autorisant l’extradition de François Compaoré, mis en cause dans le dossier. Quelle est votre analyse sur le fait que ce décret n’est toujours pas appliqué. Qu’est-ce qui cloche ?

Me Prosper Farama : Pour le moment on peut dire que rien ne cloche, le décret a été signé sauf que les avocats de François Compaoré ont attaqué le décret devant le conseil d’Etat, c’est une procédure qui est ouverte. C’est-à-dire qu’il y a eu la phase judiciaire où la justice a ordonné, autorisé l’extradition et puis à la phase administrative où le décret est signé mais François Compaoré et ses avocats ont attaqué ledit décret. Donc le conseil d’Etat doit se prononcer pour dire que le décret a été signé selon les règles conformément aux règles applicables aux droits français. S’ils le reconnaissent comme tel en ce moment il n’y aura plus un obstacle pour que François Compaoré soit physiquement extradé.

TOUTE INFO : Pourquoi, la justice burkinabè n’envisagerait pas un jugement sans extradition de François Compaoré comme on l’a vu avec le procès du putsch manqué où certains accusés ont été jugés par contumace ?

Me Prosper Farama : Bien sûr la procédure prévoit la contumace. La contumace, c’est le cas dans lequel, une personne est inculpée dans le cadre d’un crime et ne peut pas être physiquement présente à son jugement pour des raisons indépendantes de la justice. Cela est envisageable. Ce n’est pas ce que nous souhaitons, je pense que ce n’est pas ce que les Burkinabè non plus souhaitent. D’ailleurs j’ose croire et espérer que ce n’est pas ce que François Compaoré lui-même souhaite, parce que s’il est jugé par contumace il n’aura pas l’occasion de se prononcer et de clarifier tout ce qui est mis sur son dos à tord ou à raison depuis des années. Moi je pense que ce qu’il devrait souhaiter lui-même c’est d’avoir l’opportunité de s’expliquer devant le peuple burkinabè, devant ces propres concitoyens pour dire sa part de vérité comme on aime bien le dire. S’il n’y est pour rien, tout le monde sera témoin, s’il y’est pour quelque chose on le verra aussi. En tout cas chacun se ferra une idée, c’est mon avis, je ne sais pas quel est l’avis de François Compaoré.

TOUTE INFO:Comment appréciez-vous toutes ces années de lutte passées sans aucun dénouement ?

Me Prosper Farama : Disons quand même qu’il y a eu des changements, comme je l’explique, beaucoup de Burkinabè notamment dans la frange des jeunes ne connaissent pas l’histoire de ce dossier. Il faut surtout savoir que ce dossier au début a connu beaucoup de problèmes. Mais pour pouvoir déjà ouvrir une enquête cela été très compliqué. Il a fallu qu’il y ait des pressions de toute part, qu’il y ait une commission d’enquête indépendante qui soit mise sur pied, laquelle commission d’enquête qui a eu du mal à pouvoir travailler, il a dû avoir des tractations pour qu’il y y ait un minimum autour duquel les tenants du pouvoir à l’époque ont exigé que la commission travaille, ce qui a été accepté. Il y a eu un rapport qui a été à l’époque sorti par la commission. Le rapport même original a dû être édulcoré parce que les tenants du régime à l’époque ont trouvé qu’il y avait des propos trop durs et puis qui indexaient trop directement certaines personnalités. Les rapporteurs ont accepté d’édulcorer un peu pour qu’on commence même la procédure. Mais malgré tout on est arrivé à des inculpations, que à la fin on nous dise après deux trois années d’enquête que le dossier faisait l’objet d’un non-lieu c’est-à-dire qu’on ne pouvait plus continuer l’enquête. Vous voyez le dossier est partie dans les placards pendants des années jusqu’à ce que l’insurrection intervienne et puis la transition soit mise sur pied. C’est pour cela qu’aujourd’hui quand on en est à une situation où il y a des inculpés, François Compaoré doit être extradé nous on se dit, beaucoup a été fait mais ce n’est pas suffisant.

TOUTE INFO : Quel est votre message à l’endroit de la population pour la commémoration de ce 22e anniversaire ?

Me Prosper Farama : Le message reste le même pendant des années, c’est-à-dire que le sacrifice que Norbert Zongo a fait, il l’a fait pour lui, il l’a fait pour la presse, il l’a fait pour les journalistes. Mais il l’a fait pour tous les Burkinabè de son époque et de demain parce que comme ceux qui peuvent en témoigner. Au Burkina on dira toujours qu’il y a eu un avant Norbert Zongo et un après Norbert Zongo parce que la liberté d’expression dont nous jouissons tous aujourd’hui il faut dire qu’elle est partie du sacrifice ultime de Norbert Zongo. Mais il y a eu un combat en amont de tout un peuple, de nombreux combattants de la liberté, mais c’était lui, de façon emblématique son sacrifice qui a déclenché refusant désormais de se taire, de tout faire pour jouir de leur liberté. Et cela nous ne devons jamais l’oublier, c’est pour cela que nous pensons que cette commémoration doit être mise sous le sceau de l’hommage au sacrifice fait par Norbert Zongo pour tout le peuple burkinabè, pour la liberté dont nous profitons aujourd’hui et pour la liberté que nous devons transmettre aux générations futures.

Propos recueillis par Alain YAMEOGO
Cherifatou DRAME (stagiaire)

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