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Madi de Kosyam : notre stratégie était de frustrer et déstabiliser nos adversaires politiques sur les réseaux sociaux

mardi 8 décembre 2015


Il fait partie des activistes les plus téméraires du double scrutin, la présidentielle et les législatives, du 29 novembre 2015 au Burkina Faso. Mohamadi Ouédraogo alias Madi de Gounghin, puis Madi de Kosyam, s’est engagé dans les rangs de Roch Marc Christian Kaboré, élu président dès le premier tour. Rencontré à son domicile dans un quartier populaire de Ouagadougou, il défend son choix et raconte son expérience et surtout sa stratégie d’activiste de la campagne électorale. La plus électrique jamais vécue au pays des Hommes intègres qui a fait exploser les rivalités entre adversaires politiques sur les réseaux sociaux trois semaines durant.

Propos recueillis par Amidou Kabré

Présentez-vous à nos lecteurs

Mon nom c’est Monsieur Ouédraogo Mohamadi, communément appelé Madi de Gounghin, devenu maintenant Madi de Kosyam.

Que faites-vous dans la vie ?

Je suis délégué médical de profession. Mais présentement, je travaille à N’Djamena au Tchad entant que responsable commercial dans une structure de multinationale basée aux États-Unis, au Canada et en France.

Pourquoi le nom « Madi de Gounghin » que vous avez utilisé durant les premiers jours de la campagne électorale sur votre compte facebook ?

C’était une façon de me faire remarquer. A Gounghin, je suis connu sous ce nom. Donc, en fait je n’ai pas choisi le nom mais c’est une étiquette qui m’a été donnée par ceux qui me connaissent bien dans ce quartier. Et pour continuer à me faire connaitre, dès que je poste un message sur les réseaux sociaux, je signe « Madi de Gounghin ». C’est ainsi que des gens qui me connaissaient à Gounghin ont toujours relayé mes messages.

Et pourtant vous ne résidez pas à Gounghin, mais plutôt à la Patte d’oie, où vous nous recevez pour cette interview

Tout à fait ! Mais à Gounghin, il y a la cour familiale où j’habitais. En tant que majeur j’ai donc quitté la cour familiale pour m’installer à la Patte d’oie où je vis avec ma petite famille composée de mon épouse et mes deux enfants (ndlr : il présente un bébé, comme son deuxième enfant).

Pourquoi avoir choisi de soutenir la candidature de Roch Marc Christian Kaboré durant la campagne électorale ?

Ce qui m’a poussé à soutenir le président Roch Marc Christian Kaboré, c’est au regard de son programme et des éléments qui l’entourent. Je fais allusion par exemple à tous ceux qui étaient plus proches de lui. Ce sont des gens à qui j’accordais beaucoup de confiance.
Dans son programme, c’est surtout le volet santé qui a retenu mon attention. Je suis délégué médical de profession et quand je fais le tour des hôpitaux, j’ai remarqué qu’il y a des femmes qui accouchent difficilement. Souvent il faut passer par la césarienne. Lui, il a promis dans son programme que la césarienne sera gratuite lorsqu’il sera au pouvoir. Je sais comment nos parents souffrent souvent pour réunir la somme nécessaire à cette opération. De plus, il y a le problème de a jeunesse. Aujourd’hui nous avons des jeunes qui ont fini les études et qui n’ont pas de repère. Le candidat qu’était Roch Marc Christian Kaboré a décidé dans son programme de recruter tous ces jeunes diplômés afin que chacun puisse trouver son compte dans ce Burkina Faso.

Quels sont vos liens avec le MPP, le Mouvement du peuple pour le progrès ?

C’est le militantisme. Je suis militant du MPP.

Quels sont les moyens que le parti a mis à votre disposition pour vous permette d’être aussi actif sur les réseaux sociaux ?

De façon sincère, mon activisme a commencé à Ouagadougou, mais il s’est accentué à N’Djamena où je réside actuellement. Il s’est davantage accentué à mon retour à l’occasion de la campagne électorale parce qu’il fallait dévoiler ce que les Burkinabè ne savaient pas sur certains candidats. Je précise que je n’ai reçu aucun soutien, aucune somme d’argent du MPP pour mon activisme.

Cas même des encouragements ?

Bon (…) Des encouragements, oui. Des félicitations et des messages que certains m’envoyaient. Et lorsque je me rendais au siège (ndlr : du MPP), tous ceux qui ne me connaissaient pas cherchaient à me voir pour mes féliciter par rapport à mes actions sur les réseaux sociaux.

Qui sont les membres du bureau politique qui vous ont félicité ?

Je ne pourrai pas donner des noms, mais je peux dire que certains m’ont effectivement félicité.

En plus d’Internet, notamment Facebook, avez-vous battu campagne sur le terrain ?
Oui. J’ai fait le déplacement de N’Djamena à Ouagadougou et en plus d’Internet j’étais sur le terrain. J’ai suivi le président Roch Marc Christian Kaboré pour ses tournées régionales dans les treize (13) chefs-lieux. Nous avons travaillé de jour comme de nuit pour faire passer le message du parti auprès des militants et les galvaniser.

Qui payait la note de cette tournée en ce qui vous concernait ?

(Sourire) Je peux dire que cette note était aux frais du parti. Mais je dois dire qu’on n’était pas dans des hôtels 5 étoiles comme certains le pensent. On dormait à 4 ou à 5 dans la même chambre mais vu notre militantisme, cela ne nous a pas empêché d’atteindre notre objectif.

Quelle était votre stratégie sur les réseaux sociaux ?

On a remarqué que la politique se faisait plus sur Internet que peut-être même dans la vie courante parce que c’est plus facile de faire passer un message que les gens vont analyser par la suite. Ce qui n’est pas le cas si vous vous déplacez physiquement pour porter un message avec le risque que vous ne soyez pas compris. Sur Internet, un message publié prend de l’ampleur dans les services, dans les familles et dans les QG de de thé. Stratégiquement, vous remarquerez que nos trois leaders que sont Roch, Simon et Salif venaient de quitter le CDP et sur Internet on a tout entendu sur ces trois personnes. Mais ces trois n’ont jamais nié certains faits qui leur étaient reprochait.

Comme quoi ?

Le fait qu’ils ont travaillé avec Blaise Compaoré, qu’ils ont géré l’ancien régime, etc. C’était ces faits notamment. Mais il y a des candidats dont on ignorait le passé. Par exemple Zéphirin Diabré, je ne savais pas personnellement qu’il avait aussi travaillé avec l’ancien régime et qu’il avait même été ministre.
Donc ma stratégie consistait à montrer aux gens que nos leaders ont certes travaillé avec « le diable » comme certains disent, mais ceux qui utilisaient cela comme des slogans de campagne, eux aussi avaient un passé qu’il fallait soulever. Il fallait leur retourner la balle et publier ce qu’ils ne voulaient pas entendre. Il fallait non seulement faire la promotion du parti, mais aussi faire taire ceux qui pensaient qu’ils pouvaient tout faire sur le Net. Pour ces cas, ma stratégie était de déstabiliser psychologiquement certains adversaires, de les étouffer.Quand on y parvient, soit ils quittent carrément Facebook, soit ils vous retirent de leur liste d’amis. Et je pense que c’est aussi cela qui a fait basculer la tendance.

Avez-vous des regrets par rapports à certains propos que vous avez tenus à l’égard de vos adversaires politiques ?

J’ai certains regrets. Certains propos que j’ai tenus n’étaient pas bons à entendre. Mais vous savez quand on vous pousse à bout, il y a des choses que dites et après vous revenez demander pardon. En tout cas c’est ma particularité ; ce que les autres ne font pas.

Quels sont les propos que vous regrettez ?

Ce sont certaines insultes. Je n’ai pas l’habitude d’insulter. Mais comprenez que je suis humain. Quand on vous pousse à bout, vous finissez par craquer et vous répliquez. Parfois, on a l’impression que ce sont des candidats mêmes eux-mêmes qui vous insultent dernière l’écran. Mais on n’a jamais la preuve.

Vos dernières publications portent la signature « Madi de Kosyam » et pas « Madi de Gounghin ». Que voulez-vous dire ?

On avait remarqué qu’au fur et à mesure que la campagne tirait à sa fin, le MPP avait pris le dessus sur le terrain et sur les réseaux sociaux par rapport aux autres partis politiques. Le dernier sondage de l’institut Apidon aussi donnait notre candidat vainqueur. Donc, j’ai dit que les carottes étaient cuites. Ce qui a fait qu’à 4 jours des élections, j’avais fait une publication pour dire que je m’appelais maintenant « Madi de Kosyam » car j’allais quitter bientôt Gounghin pour m’installer à Kosyam, le palais présidentiel. C’était toujours pour frustrer et déstabiliser psychologiquement mes adversaires. C’était la guerre des informations ou rien. Certains publient sur vos leaders pour faire baisser leur côte de popularité et donc si vous avez des informations sur leurs candidats, vous aussi vous publiez. C’est la politique.

Allez-vous continuez à publier sur la vie politique après les élections ?

Je suis avant tout un militant du MPP. Même après les élections, la politique continue toujours. Il est vrai que ça ne doit pas nous diviser, mais tant qu’il y aura des adversaires qui vont chercher à prendre le dessus, nous serons là pour inverser la tendance par la propagande.

Quel message Madi de Kosyam voudrait adresser au futur vrai locataire de Kosyam, Roch Marc Christian Kaboré ?

C’est un message d’intégrité, de réconciliation entre les Burkinabè, d’écoute du peuple. Si un président n’est pas à l’écoute de son peuple (…) vous avez vu les conséquences avec le président Blaise Compaoré. Je demande au président Roch Marc Christian Kaboré de ne pas écouter les ministres parce qu’ils ne traduisent pas toujours les aspirations du peuple. Je lui demande également de mettre réellement son programme en application parce qu’il y a les problèmes de la jeunesse, de l’éducation, de la santé qui sont là et beaucoup de gens l’attendent. Un message d’encouragement aussi. Écouter, mettre en application, il faut aussi une justice sur les crimes pour réconcilier les Burkinabè.