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Eric Ouattara, administrateur du groupe DEBAT POLITIQUE : « le groupe n’appartient pas à un parti politique »

mardi 12 janvier 2016


Eric Ouattara fait partie de ces activistes qui participent à l’animation de la vie publique burkinabè via Internet. Ingénieur en informatique, il est le co-fondateur et administrateur principal de DEBAT POLITIQUE, un groupe d’activistes sur le réseau social Facebook. Rencontré dans son bureau, il évoque entre autres les raisons qui ont prévalu à la création du groupe, sa contribution au débat sur les élections du 29 novembre 2015 et son appartenance au Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), parti au pouvoir.

Toute Info : Qui est Eric Ouattara pour nos lecteurs ?

Je suis ingénieur informaticien, je travaille à l’ONATEL (Office national des télécommunications : ndlr). Je suis par ailleurs membre du bureau exécutif du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP).

Toute Info : A quoi répond la création du groupe débat politique que vous animez ?

Eric Ouattara (E.O) : C’est un groupe qui regroupe de jeunes activistes. Nous avons pensé que nous sommes dans un contexte particulier où le peuple s’intéresse au débat politique. Donc il fallait absolument créer un espace d’expression pour participer à ce débat avec beaucoup plus d’activisme. C’est donc pour faciliter le débat politique au niveau national.

Toute Info : Vous dites que vous êtes membre du bureau politique du MPP. Pourquoi cela n’a pas été précisé au niveau du groupe ?

(E.O.) : Le groupe n’appartient pas à un parti politique. Il est ouvert à tous les militants de tous les bords. L’idée c’est d’avoir un débat constructif avec tous les acteurs de tous les regroupements politiques du pays. D’ailleurs vous aurez remarqué que les interventions dans le groupe ne sont pas forcément favorables au MPP.

Toute Info : Ne craignez-vous pas que la présentation publique de votre appartenance à un parti politique nuise au groupe ?

(E.O.) : Non, sincèrement jusque là on fait en sorte que cela ne puisse pas prendre le pas au niveau du groupe. C’est-à-dire qu’on fait en sorte à laisser les gens qui ne sont pas de notre bord politique s’exprimer.

Toute Info : Mais dans la modération, est-ce qu’il vous arrive de supprimer certains messages ?

(E.O.) : Si ! Cela arrive et c’est normal. Parfois un internaute peut constater que le contenu d’un message est de nature à porter atteinte à l’intégrité d’une personnalité politique, à son ethnie, ou encore quelqu’un peut poster une image non désirable. En ce moment la personne peut signaler pour demander la suppression du message au regard de son contenu. A notre niveau, nous vérifions le contenu du poste et si cela est confirmé, nous le supprimons. En tant qu’administrateur, il y a aussi des messages qui ne cadrent pas avec notre code d’éthique, puisque nous avons un règlement en la matière, nous ne les laissons pas passer.
Toute Info : C’est quoi votre règlement ?

(E.O.) : C’est un débat sain. En fait nous sommes de jeunes et nous voulons nous former, apprendre à débattre pour assurer la relève politique sur la base des idées. Un débat est libre et ouvert. Il n’est pas fait d’injures et de dénigrements. C’est tout simplement ça ! Il faut donc apprendre à convaincre par ses idées. C’est pourquoi la diffamation et les propos injurieux sans preuves sont à écarter.

Toute Info : Avez-vous un exemple précis de message supprimé ?

(E.O.) : Il y a le cas de la diffusion d’images choquantes comme des tueries. Il y a eu un message sur l’une de nos camarades qui disait « celle-là son ‘‘mouxeur’’ se trouve au MPP, c’est un boss du MPP. » Ca concerne la vie publique de la jeune fille et cela n’apporte aucune contribution au débat politique.

Toute Info : C’est peut-être aussi une façon de sanctionner des adversaires politiques qui pensent que c’est plutôt des sujets qui méritent d’être abordés ?

(E.O.) : Non, ce n’est pas le cas ! La sanction est générale. Ce n’est pas contre un individu. Il y a même des camarades qui attaquent nos adversaires politiques que nous bloquons, parce que cela n’apporte rien au débat. On essaie d’être équilibré.
Toute Info : Le Burkina vient de sortir d’une double élection présidentielle et législative.

Quel a été le rôle de débat politique lors de ce double scrutin ?

(E.O.) : D’abord le groupe a été créé avant l’insurrection. C’était un canal de sensibilisation. Notre lutte était d’aller contre la modification de l’article 37. Après l’insurrection il y a eu une autre configuration du groupe. Pendant les élections le groupe a contribué à sa manière dans l’animation du débat politique, mais cela n’a pas été à la hauteur de nos attentes.

Toute Info : Qu’est-ce que vous auriez souhaité de plus ?

(E.O.) : On aurait souhaité plus de vivacité d’arguments dans les débats. Qu’il y ait un débat sur les programmes des uns et des autres, des candidats à tour de rôle. Par contre, on remarquait que certaines personnes passaient leur temps à poster les programmes de société de leurs candidats. Et cela n’enrichit pas le débat du groupe. Mais nous n’avons rien supprimé pendant cette période car il n’y avait pas de dénigrements. D’autres passaient leur temps à parler du mal de leurs adversaires sans lien avec leurs programmes. En tant qu’administrateur principal il y a certains droits que les autres n’ont pas, mais ces co-administrateurs peuvent supprimer simplement un message d’autres personnes. Il y a eu néanmoins l’exemple de Antoine Dabilgou qui a été bloqué, donc exclu du groupe, par un administrateur parce qu’il avait posté un message sur le NDT jugé inapproprié. Il m’a appelé par la suite pour demander de le réintégrer et c’est ce que j’ai fait parce que c’est quelqu’un que je connais. Il n’est pas un partisan des injures. J’ai trouvé que c’était un abus de l’exclure du groupe.

Toute Info : Est-ce qu’il arrive que des hommes politiques vous appellent par rapport au débat qui est mené au sein du groupe ?

(E.O.) : Je n’ai pas souvenance. Mais nous savons seulement que le groupe a une forte audience avec près de 50 000 membres. Parmi eux, il y a beaucoup de personnalités politiques. Mais il n’y a pas d’influence d’hommes politiques sur le groupe. Même les premiers responsables du MPP ne savent pas en tant que tels que ce sont des militants du parti qui en sont les administrateurs. Par contre, contre il arrive que certains nous disent sachant notre activisme, est-ce que vous avez vu telle publication, est-ce que vous pouvez réagir ?

Toute Info : Que vous rapporte concrètement cette plateforme ?

(E.O.) : Une grande satisfaction. Le fait déjà de savoir qu’il y a plusieurs personnes qui y interviennent quotidiennement est une satisfaction et qu’on participe au débat publique. A part cela, il n’y a pas de sponsorisation, pas de publicité, pas d’avantages particuliers.
Toute Info : Quand on suit les publications, on a l’impression que des gens délaissent les activités pour se consacrer aux débats. Est-ce qu’il n’y a pas de crainte à ce niveau ?

(E.O.) : C’est une impression. Mais il y a plusieurs personnes qui visitent régulièrement les réseaux sociaux : des étudiants, des travailleurs comme nous, tout comme des chômeurs, etc. Généralement, il y a du temps consacré à nos activités. Ainsi, les gens arrivent à gérer leur temps sans que cela ne puisse impacter leurs activités quotidiennes. Je pense aussi que ce n’est pas une activité aussi permanemment et les gens se rendent sur le groupe pour un débat précis. Personnellement, mon travaille m’amène à être régulièrement connecté et j’y fais de temps en temps un tour.

Toute Info : Avec près de 50 mille membres aujourd’hui, quels sont vos objectifs pour les années à venir ?

(E.O.) : Nous allons recadrer les choses. C’est-à-dire faire en sorte que le groupe soit véritablement un espace d’expression démocratique. Nous allons travailler à ce que le groupe puisse rayonner davantage.

Toute Info : Votre message à l’endroit des membres du groupe ?

(E.O.) : C’est de faire en sorte que le groupe atteigne son objectif. Il faut qu’on accepte beaucoup de choses pour aller de l’avant.


Propos recueillis par Amidou Kabré
Retranscription, Sidnooma Delaforce