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AFRIQUE : La Côte d’Ivoire frappée par le virus du troisième mandat ?

mardi 5 juillet 2016


Ni la fièvre congolaise, ni la toux burkinabè, ni le rhume rwandais, ni les secousses kinoises ne semblent suffire à stopper la progression du virus sur le continent africain. Ni zika ni sida, cette maladie est celle du cumul des mandats. Dans ces pays, ni Mokoko, ni Katumbi, ni aucun opposant ne pèse assez pour empêcher sa propagation et permettre l’alternance. Dans cette forêt en expansion du déni de démocratie, la Côte d’Ivoire est à son tour au centre de l’attention médiatique, puisque les consultations pour une nouvelle constitution battent actuellement leur plein.

Les bonnes résolutions, c’est toujours à la rentrée

C’était promis, juré, craché. En octobre 2015, trois jours avant sa (facile) réélection au premier tour, Alassane Ouattara recevait l’envoyé spécial du Monde(le journal, mais du coup le monde entier) pour lui confier ce qui lui semblait trop important pour passer par les médias de son pays : ce second mandat qu’il s’apprêtait à conquérir serait son dernier, et il ferait passer une nouvelle constitution « pour la réconciliation ».

« J’aurai soixante-dix-huit ans en 2020, ça ne me vient même pas à l’esprit et même si on me le demandait, je ne le ferais pas », promettait-il après avoir insisté sur son état de fatigue. Point d’orgue et de rencontre entre humiliation de ses rivaux et humilité internationale, le voilà qui annonçait même ne pas exclure « de ne pas finir [son] deuxième mandat si, après trois ou quatre ans, ça va bien », en passant la main à un vice-président dont le poste verrait le jour avec la nouvelle constitution.

Huit mois après, la loi fondamentale est de nouveau au cœur des débats, mais la parole présidentielle se fait plus rare à propos d’un départ de la vie politique après 2020. Les sourires de façade s’alignent au palais présidentiel et les partis saluent la démarche d’un nouveau texte tout en prenant bien soin de ne pas s’exprimer clairement sur la question du troisième mandat.

Cette question-là, pour une frange de l’opposition à laquelle appartient l’ex-ministre de l’intérieur Émile Guiriéoulou, ne se pose même pas. Les dispositions annoncées pour l’instant, la création d’un Sénat ou d’une vice-présidence, ne nécessitent pas à elles seules une nouvelle constitution. « Une révision est suffisante », martelait le ténor du dernier gouvernement de Laurent Gbagbo dans une interview que je faisais de lui depuis son exil à Accra. Pour lui, le dessein est simple, il s’agit de « mettre les compteurs à zéro » avec une nouvelle république et donc d’être de nouveau éligible en 2020.

Deux digues seront à observer dans le processus de nouvelle constitution, et elles se fragilisent de jour en jour : la limitation des mandats à deux, prévue dans les textes actuels, et l’âge de soixante-quinze ans comme plafond d’éligibilité à la présidence. Ces digues qui empêchent toutes deux le président actuel de se jeter dans la course pour le moment. Alors que l’âge minimal pourrait être abaissé à trente-cinq ou trente ans, pourquoi ne pas également réévaluer le plafond ? Quant aux chefs traditionnels, à qui Ouattara promet une reconnaissance constitutionnelle dans la nouvelle loi fondamentale, les voilà qui lui proposent un troisième mandat. Le chant des sirènes a retenti.

Le garant de l’unité

Ce projet de révision arrive alors que le camp présidentiel est plus miné que jamais par les divisions. Les réflexions sur une fusion des partis formant la coalition au pouvoir, entamées après les élections – avec un enthousiasme feint ou naturel, difficile à dire –, sont au point mort et, malgré les promesses et discours d’unité, chacune des formations commence à partir en ordre dispersé aux élections législatives de fin d’année.
Au sein même du parti de M. Ouattara, le Rassemblement des républicains (RDR), la question de sa succession pose problème et commence à attiser les rancœurs puisqu’aucun prétendant ne parvient pour l’instant à s’affirmer comme dauphin naturel. À distance, par voie de presse interposée, les deux favoris, le président de l’Assemblée nationale, Guillaume Soro, et le ministre de l’Intérieur, Hamed Bakayoko, se regardent en chiens de faïence. Une instabilité qui aiguise les appétits de l’autre poids lourd de la coalition, l’historique Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), densément implanté dans le pays, et qui attend depuis 2010 de pouvoir présenter un candidat à la tête de la coalition pour la prochaine échéance présidentielle.

Bien que la poursuite d’un troisième mandat par M. Ouattara en 2020 soit encore hypothétique, sa candidature, plus légitime aux yeux de ses alliés que celle de quiconque, aurait le mérite de ramener de l’ordre dans son camp tourmenté.

Tout se passe donc comme si le locataire du palais du Plateau cherchait à sonder le terrain, avançant un à un ses pions sur un échiquier politique miné par les divisions et dévasté par les ambitions personnelles. La question du troisième mandat reste probablement sans réponse pour lui-même, mais il ne dirait sûrement pas non à l’opportunité. Fort d’indicateurs économiques au vert et d’une opposition affaiblie, le camp présidentiel croit voir un boulevard ouvert devant lui.

Mais attention à ne pas se brûler les ailes en allant chercher le mandat de trop. Si les souvenirs de la crise postélectorale de 2010-2011 semblent encore un bon vaccin contre toute violence politique, Alassane Ouattara devra faire attention à ne pas sous-estimer la contestation qui pourrait surgir. Il en a déjà eu la désagréable expérience, avec un mouvement d’ampleur, notamment sur les réseaux sociaux, au moment de la hausse brusque des tarifs de l’électricité en avril dernier, une mesure qu’il a annulée aussitôt pour éteindre le feu naissant.

« Depuis la mort d’Houphouët-Boigny en 1993, il n’y a jamais eu de débat sur la constitution sans que ça ait causé des troubles », se souvient ma collègue Michèle Irié. « Le risque d’embrasement est bien réel, au sein même de la coalition, puisque le PDCI attend son tour », met en garde le journaliste économique Tony Nahounoux.

Il faut se méfier de la rue qui dort. Cette rue, aujourd’hui agacée par la délinquance des « microbes » et la vie chère. Cette rue qui était encore hier acquise à son adversaire Laurent Gbagbo et ne manque pas de montrer sa nostalgie en suivant, massivement, le procès de son épouse Simone Gbagbo. Le référendum constitutionnel qui s’annonce en fin d’année était censé mettre tout le monde d’accord. Il pourrait bien avoir l’effet inverse.

Source : Noé Michalon, Opinion Internationale, 4 juillet 2016